La fille au bord du puits

Ce poème répond au défi d’écriture n°23 organisé par plumeschrétiennes.com.

Genèse 24.10/14

Le soir ensoleillé s’écoule sur la plaine,
Il répand sa fraîcheur auprès d’une fontaine
Et la nue vespérale se teinte d’orangé.
C’est là que chaque jour s’assemblent les bergers.

Ce sont de ces gardiens les longues habitudes :
Les brebis abreuver, cette existence est rude
On les mène aujourd’hui, on les paîtra demain,
Et les mêmes prairies, et les mêmes chemins.

Un enfant de douze ans, juvénile bergère,
Gracieuse gazelle, hirondelle légère,
Elle a l’âge innocent de rire et s’amuser
Mais, pour quelques brebis, il lui faudra puiser.

Son père Béthuel, en dépit de son âge
Lui confie son troupeau et point ne la ménage
Et, de ses faibles bras, elle tire le broc ;
Il en faut toujours plus, il n’en est jamais trop.

Elle rêve qu’un jour, là, sur cette margelle,
Un prince la verrait, il la trouverait belle.
Elle, fille de rien, élevée par les gueux,
Il la ferait monter sur son cheval fougueux.

 

Il lui partagerait le confort de sa selle
Et mille soins d’amour il porterait sur elle ;
Il l’emmènerait loin dans son palais doré...
Allons ! puise, ma fille, il ne faut pas rêver.

****

Sept ans sont écoulés, la même servitude,
Les mêmes mouvements, les mêmes lassitudes,
Et chacun la regarde, et partout on lui dit :
Petite Rebecca, comme tu as grandi !

Les ans n’ont rien changé, chaque soir elle puise,
La tâche est harassante et la fille s’épuise.
Elle trouve en son cœur ce faible réconfort :
Le seau paraît moins lourd, car ses bras sont plus forts.

Un soir, comme toujours, ses brebis menant boire,
Espérant abreuver son troupeau sans histoires,
Elle rencontre un homme avec dix méharis,
Un aimable garçon gentiment lui sourit.

Étrange accoutrement, pense la jeune fille,
Il n’est pas de chez nous, venu de quelque ville
Éloignée du pays. Sur la margelle assis,
Il attend sans rien dire. Que vient-il faire ici ?

Éliezer s’approche, lève les yeux sur elle,
Avec un fort accent lui dit : Mademoiselle,
Auriez-vous, s’il vous plaît cette infinie bonté
De me puiser de l’eau, par simple charité ?

 

Puiser de l’eau pour lui, quelle demande étrange !
N’a-t-il pas ses deux bras ? Me prend-il pour un ange ?
Tout en elle une voix dit : « N’est-il point gêné ?
Tu n’es pas sa bonniche, envoie-le promener. »

Mais la voix de son cœur autrement l’interpelle :
« Prouve-lui ton amour en servante fidèle.
Il demande si peu, juste une cruche d’eau. »
« Je puiserai, dit-elle, aussi pour tes chameaux. »

Le brave homme, touché par sa noble conduite,
Lui offre un anneau d’or. Vous connaissez la suite...