Acte premier
Environs de Babylone, un promontoire avec une vue sur la ville.
Scène Première
NOAM – AKAR
NOAM
Pour atteindre ce lieu pénible ascension
Et pour nous rencontrer quelle étrange option !
N’aurions-nous pu trouver meilleure place en ville ?
AKAR
Pour parler, cher ami, il faut un lieu tranquille.
Vois donc cette vallée, ici-bas, sous les cieux.
Contemple ce pays, plaine bénie des dieux.
Admire, en cet instant, ce fleuve aux eaux si pures :
Les palmiers sur ses rives étendent leur verdure.
L’Euphrate se répand, tel un serpent lascif ;
Vois les reflets dorés de ce ruban oisif.
Enfin, sur cette plaine au charme monotone
S’étire fièrement la noble Babylone.
On voit briller au loin des palais la blancheur.
Babel qui n’était rien qu’un hameau de pécheurs,
Qui puait la misère en la boue de ses rues,
En à peine vingt ans, qu’est-elle devenue ?
NOAM
C’est vrai ! Quelle superbe et brillante cité !
J’admire sa puissance et sa prospérité.
Sur ses quais, de marchands se pressent les navires.
Pour acheter, pour vendre, on vient de tout l’empire :
Pour les rideaux de soie, les manteaux brodés d’or
Descendent ces tribus des montagnes du nord,
Par-delà l’Ararat, au fond de l’Arménie,
Dépensent tous leurs biens pour notre économie.
AKAR
Et de ce belvédère, à la vue de notre œil
S’étale de Nimrod l’inénarrable orgueil.
NOAM
Orgueilleux, notre roi ?
AKAR
Ce chasseur émérite
Imbu d’ambition, de projets sans limite,
Ce colosse invincible, monarque glorieux
Oublie qu’il n’est qu’un homme et voudrait être dieu.
Roi de Babel, dit-on, proclamé par lui-même,
Qui d’un cor, sur son trône, fit graver cette emblème
Candidat sans partage à la divinité,
Devra se satisfaire avec la royauté.
NOAM
Voilà de notre roi le portrait véridique :
Un chasseur intrépide, un tyran magnifique,
Un héros ceint de force, un guerrier fougueux ;
Un grand peuple il a fait d’une poignée de gueux,
Car nul ne peut nier que, selon ses promesses,
Nimrod nous a comblés de gloire et de richesse.
Me feras-tu connaître un roi plus grand que lui ?
Toujours et sans faiblir ton bonheur il construit.
Contre ses grands travaux qu’as-tu donc à redire ?
AKAR
C’est vrai qu’il est géant quant à l’art de construire :
Babylone, d’abord. Et combien de sueur ?
Combien de sang d’esclaves et de veuves en pleurs
Pour ces hautes murailles et cette citadelle,
Âmes sacrifiées pour cette bagatelle ?
NOAM
Ne dis point bagatelle !
AKAR
Que faut-il dire alors ?
Le peuple en paie les frais. Sommes-nous bien d’accord ?
Et Nimrod, vers le Tigre, établi sur ses rives
Bâtit une autre ville qu’il appelle Ninive.
Tout enflé de lui-même, ce monarque pervers
Croit posséder le monde et régir l’univers.
Se prenant pour un dieu, il veut pour son service
Le sang de ses sujets comme un dû sacrifice.
Il nous traite en bétail, sans trêve et sans merci.
NOAM
Nimrod a fait de nous un puissant peuple aussi.
AKAR
Pour ces beaux monuments qu’il construit à sa gloire,
Pour ces statues de marbre et colonnes d’ivoire
Il dépense, il est vrai, nos talents sans compter,
Mais il faut voir mourir dans la fière cité
Les enfants affamés sur le sein de leur mère.
Le peuple s’appauvrit et le tyran prospère.
Celui-ci, tout bouffi dans le luxe et l’orgueil,
Pour ses amis les rois, pour leur meilleur accueil
Élève, dans la plaine, la colline où nous sommes
Afin de s’élever même au-dessus des hommes.
Ici, face à la ville et sous ce baldaquin,
Il convoque les grands du pays, le coquin,
Et, pavoisant parmi les princes en goguette,
Il leur dit : « Admirez la ville que j’ai faite.
Ne suis-je pas Nimrod, le roi des bâtisseurs
Et, devant l’Éternel l’intrépide chasseur ? »
NOAM
Je sens, dans ton discours, la haine et la révolte.
À semer un tel grain la colère on récolte.
Médire de la sorte envers le potentat
Relève du blasphème ou bien de l’attentat.
Proférer dans son dos de pareilles merveilles !
Je crains que ton propos ne tombe en son oreille.
AKAR
Qui lui rapporterait ces dires à part toi ?
D’ailleurs, cette cité ne connaît point son roi.
Quand il ne bâtit pas, il s’adonne à la guerre
Ou bien s’en va chassant, nous ne le voyons guère.
Nimrod est à Babel un roi des plus discrets.
Nous sommes bons amis, je te dis un secret :
Nimrod a délaissé son trône et ses affaires
Et de sa royauté s’est bien laissé distraire.
Or, tandis qu’à Ninive il gère ses maçons
Son trône refroidit d’une étrange façon.
Pour le charger de front me manque la vaillance
Mais je sais quel profit tirer de son absence.
Depuis longtemps j’ourdis ma conspiration.
NOAM
Akar, d’où t’est venue pareille ambition ?
De quel droit prétends-tu t’établir sur le trône,
Écartant du pouvoir le roi de Babylone ?
Je crains, moi, que Nimrod, en un furieux transport
Te précipite au sol et te livre à la mort.
Je t’en conjure, oublie ce que tu viens de dire.
Trahir le potentat ! J’envisage le pire.
Pour accomplir un jour ton plan audacieux
Tu n’auras pas assez de la foule des dieux.
AKAR
J’ai pour me soutenir quelques amis fidèles,
Ainsi le roi d’Édom…
NOAM
Ce rouquin sans cervelle !
AKAR
Ésaü[1], lui aussi grand chasseur devant Dieu.
NOAM
Quoi ? Le fils d’Isaac ? Akar, es-tu sérieux ?
Nimrod et ce gaillard, tels deux larrons en foire
Ensemble vont chasser, si j’ai bonne mémoire.
Ésaü, ce lourdaud qui rate tous ses coups,
Toujours se fait rouler, lui qui pour un ragoût,
Pour un plat de lentilles troqua son droit d’aînesse !
Il n’a pas plus d’esprit qu’en aurait une ânesse.
(On entend le son du cor.)
Mais quoi ? Voilà Nimrod, flanqué du prince roux.
Il suffit d’en parler pour voir venir le loup.
Au seul bruit de son nom notre despote arrive.
AKAR
Je le croyais parti guerroyer à Ninive.
(Entre Ésaü, accompagné de Nimrod, avec un arc et un cor. Nimrod porte un chevreuil sur son épaule.)
Scène II
NOAM – AKAR – ÉSAÜ – NIMROD
NIMROD
Regarde, cher cousin, l’imposante cité.
NOAM
Cousin ?
NIMROD
Du vieux Noé n’a-t-il pas hérité ?
Ce vieux planteur de vigne, resté seul en la place,
A repeuplé la terre et nous sommes sa race.
Si tout le genre humain marche sous son drapeau,
Nous sommes tous des frères, Noam, ou peu s’en faut.
Mais, laissons de côté la généalogie.
Voyez dans le désert cette ville surgie :
C’est moi qui l’ai construite, et de ma propre main.
Cette ville n’est pas le produit des humains
Mais de l’homme fait dieu, de Nimrod c’est l’ouvrage,
Le fruit de mon labeur, le fruit de mon courage.
À la force des bras j’élevai ses remparts
Où se croisent sans peur huit chevaux et leurs chars.
Vois ces palais d’ivoire et vois ces esplanades,
Vois ces statues dorées garnissant les façades.
Oui, Nimrod est vraiment le roi des bâtisseurs,
Des peuples de la terre il est le défenseur.
Le trône de Nimrod plane au-dessus des hommes.
Il est de divin droit et Mardouk on le nomme.
ÉSAÜ
Le son de votre voix ferait trembler les cieux ;
Vous volez son éclat au soleil radieux.
Nimrod est sans égal au ciel et sur la terre.
Bien plus que notre maître, il est notre lumière.
Il fait lever le jour, il fait tomber la nuit.
Tandis que la nature se réveille sans bruit,
Il ordonne aux nuées, à la foudre, au tonnerre,
Agite l’océan du haut de sa colère.
Ô Nimrod ! ô grand roi ! Nimrod, notre héros !
AKAR
Tu m’agaces, Ésaü, tu en fais un peu trop.
ÉSAÜ
Pour en venir à bout usons de flatterie.
Souffre donc de ma part quelque bouffonnerie.
NIMROD
Très bien, mon cher cousin, j’apprécie ton discours ;
Pour chanter à ma gloire, habile troubadour,
Tu fais danser les mots, les stances et les rimes ;
En poète accompli ta louange s’exprime.
Telle adoration ne peut que me ravir.
Je sais que comme moi tu trouves ton plaisir
Aux nobles et virils jeux de la vénerie.
Que t’en semble, dis-moi, de cette orfèvrerie ?
(présentant le chevreuil)
Je te l’ai bien tué. Que voilà du grand art !
ÉSAÜ
Majestueux chevreuil.
NIMROD
Pardonnez : un brocard.
Sous ses airs pacifiques et son regard aimable,
C’est un mâle puissant, combatif, redoutable.
Quand vient le temps du rut, l’irascible gaillard,
De ses cornes terribles, ainsi que deux poignards
T’éventre le chasseur et le cloue sur la place,
L’étripe sans pitié, n’accorde aucune grâce.
ÉSAÜ
C’est à n’en point douter un superbe animal,
Mes yeux cherchent en vain le trait d’archer fatal.
NIMROD
J’ai pour la vénerie des méthodes nouvelles :
Rodant tel un lion tout près de sa femelle,
J’excite sa fureur. Il me charge. Il bondit.
Il m’aurait embroché d’un seul coup, le bandit.
Il est prêt à frapper. Par les bois je l’empoigne.
D’un bon coup de genou, mes amis, je le soigne
Et lui brise la tête. Je suis bien le meilleur !
Combattant à mains nues, et je n’ai pas eu peur.
Je vous laisse en cadeau cette chair toute fraîche.
NOAM
À quoi vous sert alors cet arc avec ses flèches ?
NIMROD
Bien plus haut dans le ciel, que l’aigle et l’épervier,
Je traque sans repos un plus noble gibier.
(Il tire une flèche en l’air.)
Cette flèche est lancée pour percer les nuages.
ÉSAÜ
La voilà donc perdue sans frapper. Quel dommage !
NIMROD
Les flèches de Nimrod ne se perdent jamais.
Elle cherche sa proie dans les nues, désormais.
Au terme de son vol elle va reparaître.
Vous la retrouverez dans la main de son maître.
(La flèche retombe et se fiche au pied de Nimrod.)
NOAM
Attention !
AKAR
Par les dieux !
NIMROD
Ne l’ai-je pas prédit ?
(prenant la flèche)
Dans mes bras, douce amie !
ÉSAÜ
Ça ! Que je sois maudit !
NIMROD
Mais regardez sa pointe.
ÉSAÜ
Non, ce n’est pas possible !
NOAM
Elle est teinte de sang.
NIMROD
Elle a touché sa cible.
ÉSAÜ
Rapace inaccessible ! Ah ! Que je sois damné !
Quel est donc ce gibier ?
NIMROD
N’as-tu point deviné ?
ÉSAÜ
Aurait-il blessé Dieu ?[2]
NIMROD
Je volerai son âme.
La haine explose en moi. La vengeance réclame.
Je banderai cet arc et ses perfides traits
Transperceront le ciel. Alors, je l’abattrai.
ÉSAÜ
Qui pourrait tuer Dieu ?
NIMROD
Moi, Nimrod ; moi, le maître.
La puissance du roi je lui ferai connaître.
AKAR
Je crois bien qu’il est fou.
NOAM
Allons ! S’il t’entendait ?
AKAR
On l’entendrait crier jusqu’à Jérimadeth.
NIMROD
Je suis le grand Nimrod, qu’on nomme « le rebelle ».
ÉSAÜ
Si tu veux toucher Dieu, construis une nacelle ;
Un aigle impérial enchaîne à chaque coin.
Il te soulèvera jusqu’aux cieux. Néanmoins,
Au-dessus de leur tête afin qu’ils se motivent
Tu mettras une bête et non des plus chétives :
La carcasse d’un lion. Ils voudront s’en saisir
Et tu les guideras selon ton bon plaisir.
Alors, tu voleras jusqu’au-dessus des nues.
NIMROD
Je trouve cette idée carrément saugrenue.
NOAM
À quoi lui servira ce détour aérien ?
Le but de ce projet je ne comprends pas bien.
Et pourquoi mettre Dieu dedans sa gibecière ?
Pareille vénerie ne me tenterait guère.
NIMROD
Tu ne comprends pourquoi je hais tant l’Éternel
Et brandis chaque jour mes deux poings vers le ciel.
Les mystères divins tu ne peux point entendre,
Mais c’est l’humanité que je prétends défendre.
L’homme vivait heureux sur la terre autrefois.
Il n’avait pas de maître, il n’avait pas de loi.
Chacun se repaissait des plaisirs de la guerre,
On s’en faisait un jeu viril et sanguinaire.
Et pour ce qui touchait les plaisirs de l’amour,
Rien n’était interdit, alors point de discours,
Point non plus de morale. Notre chair asservie
Aux lois de nos désirs et selon nos envies
S’ébattait avec joie dans l’impudicité.
Chacun s’émerveillait dans la félicité.
Mais c’est un Dieu jaloux et prompt à la colère,
Le bonheur des humains ne peut que lui déplaire.
« Leur cœur, déclara-t-il, est devenu méchant,
Se livrant chaque jour à d’odieux penchants. »
Et sa voix de tonnerre appela notre ancêtre :
Noé. « Fais-toi, dit-il, une arche en bois de hêtre. »
Avec le genre humain il voulait en finir
Et Noé, le bon chien, s’empressa d’obéir.
Il assemblait les planches, on ne pouvait qu’en rire :
Voyez au flan du mont ce superbe navire.
Lorsque de l’arche, enfin, il eut tout assemblé,
Il y fit engranger de l’orge avec le blé :
Puis il y fit entrer, cela semble futile,
Toutes sortes d’oiseaux, de bovins, de reptiles,
D’espèces animales il n’en oublia point,
Les rassemblant par couple avec le plus grand soin.
Brus, fils et femme enfin terminèrent la marche
Alors Dieu verrouilla la porte de son arche.
Et le ciel devint noir, il commence à pleuvoir,
Une abondante pluie du matin jusqu’au soir.
Il pleut toute la nuit et pendant des semaines.
Dieu seul pouvait calmer l’effrayant phénomène.
Le Tigre avec l’Euphrate, ainsi que l’Hidékel
Ne formait qu’une mer. Hélas, le Dieu cruel
Avait déterminé d’y noyer toute vie.
Lorsque le monstre, enfin, sa colère assouvie
Décida de fermer les écluses des cieux,
Toute chair était morte, il ne restait que Dieu.
Il gardait cependant ces huit âmes choisies
Pour peupler cette terre et lui rendre la vie.
Voilà pourquoi je hais cet être criminel
Qui s’octroie tous les droits, se proclame éternel.
Éternel il n’est point. Je le tuerai. J’enrage.
ÉSAÜ
Quoi ? Vouloir tuer Dieu ? Je crois qu’il serait sage…
NIMROD
Je le tuerai. D’abord, il faut nous protéger
Car le fardeau de Dieu n’est pas des plus légers.
Je vous libérerai de ce joug détestable
Et je veux défier ce despote exécrable.
Si ce Dieu que je hais, en vue de se venger,
Devait de puissants flots contre nous diriger,
S’il osait, face à moi, s’ériger comme un juge
Et provoquer sur terre à nouveau le déluge,
Ne le redoutez point, vous qui croyez en moi,
Vous serez épargnés au nom de votre foi,
Et s’il pleut, nous pourrons nous gausser de ce drôle.
Je serai son seigneur, nous changerons les rôles.
Aux portes de Babel construisons une tour
Aux remparts bien garnis de créneaux tout autour.
Lui-même n’en pourra renverser les murailles.
Elle renfermera le peuple en ses entrailles.
L’éternelle puissance m’appartient désormais
Car les eaux d’Adonaï ne l’atteindront jamais.
Enfin, de son sommet touchant les lieux célestes,
De mes traits acérés j’atteindrai cette peste.
Mais, c’est assez parler, descendons, s’il vous plaît.
Je vous offre un festin royal en mon palais.
AKAR
Nous voulons profiter de quelque instant tranquille
Pour contempler encore cette incroyable ville,
Puis nous vous rejoindrons.
NIMROD
Par l’effort de mon bras
Je l’ai bâtie tout seul. Tout seul !
AKAR
On le saura !
(Nimrod et Noam descendent vers la ville.)
Scène III
AKAR – ÉSAÜ
AKAR
Que vous semble, Ésaü, de l’état de ce brave ?
ÉSAÜ
La folie de Nimrod à chaque heure s’aggrave.
Il a l’âme tordue et l’esprit de travers ;
L’homme se voit déjà seigneur de l’univers.
L’orgueil en son cerveau a fait bien des ravages
Car à la terre entière ce chasseur fait outrage.
Du poids de sa personne il lui plaît d’écraser
Le monde, et de son feu il veut tout embraser.
Ne le voyez-vous pas pousser l’outrecuidance
Jusqu’à se nommer dieu, et sans intelligence,
Du puissant créateur se prétend le rival ?
AKAR
Il ne manque d’audace, ni d’aplomb, l’animal !
Nous devons l’arrêter dans ses extravagances
Et briser son dessein par quelque manigance.
Je ne puis, par moi seul, affronter ce vaurien.
Puis-je toujours compter, ami, sur ton soutien ?
Car, plus je vois sa force, plus je sens ma faiblesse.
ÉSAÜ
De lutter avec toi n’ai-je fait la promesse ?
Je le vois convoiter mes terres et mes fiefs
Et contre ce vaillant j’ai d’importants griefs.
Je veux voir à mes pieds s’écrouler son empire.
Il n’est pas mon cousin comme il aime le dire
Mais il est fondateur de sa propre tribu
Et du sang d’Abraham il use avec abus.
Non, ce Nimrod n’est pas le dieu que je vénère ;
Je suis à l’Éternel, Dieu qu’adoraient mes pères,
Pour lequel Abraham eut livré son enfant
Sur le mont Morija. C’était tout en croyant
À la grâce infinie de ce Dieu magnanime
Qu’il immolait mon père, Isaac, en victime.
Mais alors qu’il levait sur l’enfant le poignard,
Le Dieu que je chéris abaissa son regard,
Disant : « Bon serviteur, je vois combien tu m’aimes
Car tu n’as refusé le fruit de ta vie même.
Je ne t’ai pas menti, je dis la vérité :
De ce cher fils naîtra une postérité. »
Mais voilà que Nimrod avec son arrogance
Contre le Dieu-Très-Haut médite sa vengeance !
Il faut à l’insensé donner une leçon.
Préparons notre plan de bataille et pensons !
À jouer les vaillants la canaille s’amuse
Mais nous le réduirons à merci par la ruse.
[1] D’après la tradition juive, Nimrod aurait été tué par Ésaü. Il serait donc contemporain de Jacob. Cela ne semble pas concorder avec la chronologie biblique. Si le lecteur n’y comprend rien, qu’il se rassure : l’auteur non plus.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nimrod
[2] C’était Nemrod. Couché sur le dos, mort, puni,
Le noir chasseur tournait encor vers l’infini
Sa tête aux yeux profonds que rien n’avait courbée.
Auprès de lui gisait sa flèche retombée.
La pointe, qui s’était enfoncée au ciel bleu,
Était teinte de sang. Avait-il blessé Dieu ?
Victor Hugo, dans « La Fin de Satan ».
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