33. Je me suis fait tout à tous. Vraiment ?
Car, bien que je sois libre à l’égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre. Avec les Juifs, j’ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs ; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi (quoique je ne sois pas moi-même sous la loi), afin de gagner ceux qui sont sous la loi ; avec ceux qui sont sans loi, comme sans loi (quoique je ne sois point sans la loi de Dieu, étant sous la loi de Christ), afin de gagner ceux qui sont sans loi. J’ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver de toute manière quelques-uns. Je fais tout à cause de l’Évangile, afin d’y avoir part.
1 Corinthiens 9.19,23
L’apôtre Paul, nous n’en doutons pas, est rempli de zèle pour la cause de l’Évangile. Il se donne pour but d’en gagner le plus grand nombre, que ce soient des Juifs ou des Grecs. Entendons par Grecs, non seulement les Grecs, mais aussi les Français, les Italiens, les Belges, les Allemands, les Américains, les Chinois… Tous ceux qui ne sont pas juifs : les Goïm.
Paul ayant affaire aux uns autant qu’aux autres, il adopte une conduite particulière en fonction de la culture, des coutumes et traditions des intéressés, afin que son message soit accessible à tous.
J’aimerais insister sur les mots « libre » et « serviteur ». Bien que je sois libre, je me suis fait le serviteur de tous. Nous n’aimons pas être serviteurs ; nous préférons être libres. N’est-il pas écrit :
Là où est l’Esprit de Seigneur, là est la liberté ?
2 Corinthiens 3.17
Je serais donc libre d’agir en fonction de mes désirs, de mes idées, des modes de ce monde, des modes évangéliques, mais devenir serviteur ! Serviteur de Dieu, à la rigueur, mais serviteur de tous ! Serviteur des Juifs ! serviteur des païens !
C’est un principe trop souvent mal compris. Combien de fois ai-je entendu :
« Moi, vous savez, je suis comme l’apôtre Paul, je me fais tout à tous. »
Ceux qui parlent ainsi se comportent le plus souvent comme des caméléons : Juifs avec les Juifs, Grecs avec les Grecs, mondains avec les mondains. Ce qui compte, pour eux, c’est qu’ils continuent à vivre une vie confortable et qu’on ne les remarque pas trop. Je me conduis comme les gens du monde, je me fais tout à tous. Les incroyants qui me voient sont rassurés : je ne suis ni un illuminé ni un fanatique.
Je ne veux pas trop insister sur l’influence de ces raisonnements sur notre musique chrétienne. Je sais que je suis un vieux papy ringard et que j’en suis encore à Emmanuel Nicolaïdès, mais je constate, et cela me rassure, que je ne suis pas le seul à déplorer qu’entre la musique chrétienne qu’on écoute sur Phare FM et celle qu’on écoute sur Skyrock, la différence est bien ténue.
Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable. Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait.
Romains 12.1/2
Ne vous conformez pas au siècle présent, cela ne veut pas dire que nous devons nous vêtir comme en 1950, ou bien vivre à la façon des amish, sans autos ni électricité, comme au XIXe siècle ; mais il nous est requis de de ne pas cadrer nos vies sur les mœurs, les raisonnements et les idéaux de ce monde impie qui nous entoure. Que de sympathies nous allons nous attirer en nous conformant au siècle présent ! Mais combien de nouvelles naissances ? Combien d’hommes ou de femmes, de jeunes gens, de jeunes filles, de petits enfants qui tombent sur leurs genoux, pleurent sur leurs péchés, demandent pardon au Créateur, les suppliant de les libérer de leur misérable condition ? Combien de conversions ?
Parlons maintenant de la liberté du chrétien (vs 19). Paul dit : je suis libre. Nous le sommes aussi. Je m’abstiens cependant de certaines attractions mondaines, non pas parce que ma religion me l’interdit, mais parce que je n’y trouve aucun plaisir. Je suis libre.
Tout m’est permis, mais tout n’est pas utile, tout m’est permis, mais je ne me laisserai pas asservir par quoi que ce soit.
1 Corinthiens 6.12
Alors, est-ce qu’un chrétien a le droit, par exemple, de danser, ou d’aller au cinéma ? La réponse est dans ce verset : tout est permis, mais tout n’est pas utile. Fort heureusement, il n’est pas interdit à un chrétien de s’amuser. Tout m’est permis, mais qu’est-ce qui est utile ? Par quoi pourrais-je me laisser asservir ? Si mon violon d’Ingres est devenu une passion, je suis asservi. Car il est remarquable qu’à notre époque, le divertissement a usurpé la place de Dieu. Tout le monde a le droit de se divertir, mais quand le divertissement est devenu la priorité absolue d’une société, comme ce fut le cas de la société romaine, panem et cirquences, elle devient une société décadente.
Dieu ne veut pas que nous soyons esclaves, car il nous a appelés à la liberté.
Voici ce que dit encore l’apôtre Paul :
Tout est permis, mais tout n’est pas utile ; tout est permis, mais tout n’édifie pas. Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui d’autrui. Mangez de tout ce qui se vend au marché, sans vous poser aucune question par motif de conscience ; car la terre est au Seigneur, et tout ce qu’elle renferme. Si un non-croyant vous invite et que vous vouliez y aller, mangez de tout ce qu’on vous présentera, sans vous poser aucune question par motif de conscience. Mais si quelqu’un vous dit : Ceci a été offert en sacrifice ! n’en mangez pas, à cause de celui qui vous a prévenus, et à cause de la conscience. Je parle ici, non de votre conscience, mais de celle de l’autre. Pourquoi, en effet, ma liberté serait–elle jugée par une conscience étrangère ?
1 Corinthiens 10.23/29
Si j’invite un jour un ami musulman à manger chez moi, lui servirai-je une côte de porc ? Et si c’est un catholique pratiquant et sincère, et que nous sommes justement vendredi, je lui servirai du poisson, afin de ne pas le choquer dans ses convictions.
Ces questions ne se posaient pas au temps de Paul, mais il y avait un gros problème avec la viande :
Quand les Romains célébraient un culte à leurs divinités, ils leur sacrifiaient une bête à cornes. Cette fête se concluait par une de ces orgies dont ils avaient le secret, au cours de laquelle ils mangeaient l’animal sacrifié. S’il y avait des restes, on les retrouvait le lendemain chez le boucher du coin, si bien que beaucoup de chrétiens n’osaient pas manger de viande, de peur de se rendre complices d’un culte idolâtre. D’autres, au contraire, ne se posaient pas de question : de la viande, c’est de la viande. Cette divergence de point de vue créait des dissentiments entre les croyants qui s’accusaient souvent les uns les autres. Paul leur donne alors les consignes suivantes : lorsque vous allez faire vos provisions, si le boucher vous confirme que la viande provient du temple, ne l’achetez pas, mais si vous avez des doutes sur la traçabilité, ne vous cassez pas la tête, mangez-en. Toutefois, il ajoute un bémol : si tu scandalises ton frère à cause d’un aliment, mets un frein à ta liberté.
Ne nous jugeons donc plus les uns les autres ; mais pensez plutôt à ne rien faire qui soit pour votre frère une pierre d’achoppement ou une occasion de chute. Je sais et je suis persuadé par le Seigneur Jésus que rien n’est impur en soi, et qu’une chose n’est impure que pour celui qui la croit impure. Mais si, pour un aliment, ton frère est attristé, tu ne marches plus selon l’amour : ne cause pas, par ton aliment, la perte de celui pour lequel Christ est mort. Que votre privilège ne soit pas un sujet de calomnie. Car le royaume de Dieu, ce n’est pas le manger et le boire, mais la justice, la paix et la joie, par le Saint-Esprit. Celui qui sert Christ de cette manière est agréable à Dieu et approuvé des hommes. Ainsi donc, recherchons ce qui contribue à la paix et à l’édification mutuelle. Pour un aliment, ne détruis pas l’œuvre de Dieu. À la vérité toutes choses sont pures ; mais il est mal à l’homme, quand il mange, de devenir une pierre d’achoppement. Il est bien de ne pas manger de viande, de ne pas boire de vin, et de s’abstenir de ce qui peut être pour ton frère une occasion de chute, de scandale ou de faiblesse. Cette foi que tu as, garde-la pour toi devant Dieu. Heureux celui qui ne se condamne pas lui-même dans ce qu’il approuve ! Mais celui qui a des doutes au sujet de ce qu’il mange est condamné, parce qu’il n’agit pas par conviction. Tout ce qui n’est pas le produit d’une conviction est péché.
Romains 14.13/23
Et encore :
Prenez garde, toutefois, que votre droit ne devienne une pierre d’achoppement pour les faibles. Car si quelqu’un te voit, toi qui as de la connaissance, assis à table dans un temple d’idoles, sa conscience, à lui qui est faible, ne le portera–t–elle pas à manger des viandes sacrifiées aux idoles ? Et ainsi le faible périt par ta connaissance, le frère pour lequel Christ est mort ! En péchant de la sorte contre les frères et en heurtant leur conscience faible, vous péchez contre Christ. C’est pourquoi, si un aliment fait tomber mon frère, jamais plus je ne mangerai de viande, afin de ne pas faire tomber mon frère. Ne suis-je pas libre ?
1 Corinthiens 8.9/9.1
Remarquez qu’après ce discours dans lequel il invite tout un chacun à restreindre sa liberté pour ne pas scandaliser son frère, Paul commence le chapitre suivant par : Ne suis-je pas libre ?
Il insiste d’ailleurs dans une autre épître :
Frères, vous avez été appelés à la liberté ; seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte pour vivre selon la chair, mais par amour, soyez serviteurs les uns des autres.
Galates 5.13
Voilà de nouveau juxtaposés les termes « liberté » et « serviteur » ! Liberté ne signifie pas permission de faire ce qu’il nous plaît. Dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il est écrit substantiellement que la liberté de chacun est limitée par la liberté d’autrui.
Parlons enfin du serviteur.
Voyons comment l’apôtre met ce principe en pratique : je me suis fait le serviteur de tous.
Paul demeura là encore assez longtemps. Ensuite il prit congé des frères et s’embarqua pour la Syrie, avec Priscille et Aquilas. Il s’était fait raser la tête à Cenchrées, car il avait fait un vœu.
Actes 18.18
Paul n’avait pas besoin de faire des vœux ni de se faire raser la tête. La loi de Moïse donne des instructions sur les vœux, mais le chrétien ne devrait pas se sentir concerné. Le serviteur de Christ s’est néanmoins plié à cette règle parce qu’il était entouré de juifs qui commençaient à jaser derrière son dos : Paul de Tarse a trahi notre race, il a trahi notre religion, et en plus, savez-vous, madame, qu’il a osé entrer dans le temple accompagné d’un Grec, un certain Trophime. Quelle honte !
Alors, Paul, loin de se démonter, répond à ces juifs :
« Je n’ai trahi ni mon peuple ni ma foi, et je vais vous le prouver. »
Il fait un vœu et se fait raser la tête, car c’est ainsi que les choses doivent se faire selon les saintes traditions.
Lisons plus loin.
C’est pourquoi fais ce que nous te disons. Il y a parmi nous quatre hommes qui ont fait un vœu ; prends-les, purifie-toi avec eux et charge-toi de la dépense, pour qu’ils se rasent la tête. Alors, tous sauront qu’il n’y a rien de vrai dans ce qu’on leur a fait croire sur ton compte, mais que, toi aussi, tu te conduis en observateur de la loi. Quant aux païens qui ont cru, nous avons jugé bon de leur prescrire qu’ils se gardent des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés et de l’inconduite. Le lendemain, Paul prit ces hommes, se purifia avec eux et entra dans le temple. Il annonça à quel moment les jours de leur purification seraient achevés et l’offrande présentée pour chacun d’eux.
Actes 21.24/26
En ce qui concerne notre ami Timothée, je ne connais pas beaucoup de chrétiens qui auraient accepté de suivre son exemple à seule fin de se faire tout à tous, même si c’était le prix à payer pour le salut du plus grand nombre.
Il parvint ensuite à Derbe et à Lystre. Et voici qu’il y avait là un disciple du nom de Timothée, fils d’une femme juive fidèle et d’un père grec. Les frères de Lystre et d’Iconium rendaient de lui un bon témoignage. Paul voulut l’emmener avec lui ; il le prit donc, et le circoncit, à cause des Juifs qui étaient dans ces lieux–là, car tous savaient que son père était grec.
Actes 16.1/3
J’aimerais terminer cette réflexion par une note pratique. Il est vrai que tous nos lecteurs ne sont pas appelés à partir en mission à l’étranger, mais nous sommes tous plus ou moins missionnaires au milieu des multiples cultures qui composent notre société.
Ne confondons pas mission et colonisation.
Savez-vous quelle était la particularité de Georges Premier, roi d’Angleterre ? – Ce roi d’Angleterre ne savait pas un traître mot d’anglais. Allemand par la naissance, il s’est trouvé, par les hasards de la politique, propulsé roi d’Angleterre, mais il n’a jamais eu le courage d’apprendre la langue du pays. Si un de ses sujet voulait communiquer avec son roi, il devait apprendre l’Allemand ou trouver un interprète.
Quand j’étais à l’école biblique, un couple de missionnaires américains retraités est venu nous donner un coup de main. L’homme ne ménageait pas ses efforts pour s’imprégner de notre langue difficile :
« Comment appelle-t-on ceci en français ?
– Une fourchette.
– Aow ! Euwne forwchette ! »
Sa femme, au contraire, voulait absolument nous enseigner l’anglais, ce dont elle était d’ailleurs totalement incapable. Elle a accompagné son mari durant des années en Ouganda et n’a jamais su dire bonjour dans la langue vernaculaire.
Je connais un couple qui exerce son ministère en Casamance, c’est-à-dire au sud du Sénégal. La population de cette région doit observer une règle particulière : le rouge est réservé au roi. Il est interdit, sauf au roi, de s’habiller en rouge, d’avoir une voiture rouge, un vélo rouge, un crayon rouge, et ce couple missionnaire est obligé de s’y plier. Quand ils achetaient des bibles, ils sont obligés de préciser sur le bon de commande : « pas de couverture rouge ».
Nous ne quittons pas l’Afrique pour ce dernier exemple :
Nous sommes en pleine brousse, sur une piste cabossée, une confortable voiture américaine progresse péniblement. Elle parvient enfin, tant bien que mal, à un village. Un homme en sort, c’est le patron d’une importante société missionnaire.
« Pouvez-vous m’indiquer la résidence du pasteur Untel ?
– Troisième case à gauche, missié. »
Le visiteur trouve enfin son subalterne et commence à lui faire des reproches :
« Comment se fait-il, avec tout l’argent qu’on te paye, que tu n’aies pas fait construire une maison ?
– Comment pourrai-je annoncer l’Évangile, tout en habitant une maison de pierres, alors que tous ces gens habitent des cases en pote-pote ?
– Hum… Bon ! Ferme la porte, nous avons à parler.
– Ma case n’a pas de porte.
– Comment ça, pas de porte ?
– Les autres non plus n’en ont pas. Si j’en avais une, ils diraient que je me livre en secret à des pratiques abominables, et je ne pourrais plus leur apporter l’Évangile. »
La conversation dure longtemps, la nuit tombe.
« Tu pourrais allumer la lumière, on ne voit plus rien.
– J’avais un camping-gaz, mais on commençait à raconter que j’adorais un esprit caché dans la flamme, alors, je m’en suis débarrassé. »
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