Épilogue

Illustration : Stéphanie Lebeau.

Décor du premier acte. Dariana, revêtue d’habits royaux entre au son des trompettes, suivie de toute la cour. Elle prend place sur le trône. Les magiciens conspirateurs viennent ensuite, liés et encadrés de soldats.

DARIANA – CHOUDASTÉ – CHOUDAGO – PROKOL – KOLARGOL – VITRIOLA – SILASOL – PHILIPPULLUS courtisans – soldats – plus tard : GANAEL– LE MONTAGNARD

CHŒURS

Resplendissante,

Elle est charmante.

Sur son front majestueux

Le diadème radieux

Se mêle à sa blonde chevelure.

Elle est si belle, elle est si pure !

Notre reine Dariana

Sur notre patrie régnera.

Son sceptre nous protégera.

Dieu lui accorde la sagesse

Et nous lui faisons la promesse

D’être prompts à lui obéir

Et zélés pour la servir.

DARIANA

Dans mon cœur quelle émotion !

Dans mon sang que d’agitation !

Sur ce trône que mon père

Me laissa, quittant la terre,

Je promets d’un vœu solennel

De châtier les criminels,

De combattre le vice

Et de lutter pour la justice.

CHŒURS

Puisqu’il est question de jugements,

Devons-nous agir promptement

Pour mettre à mort la conspiratrice

Ainsi que ses deux complices ?

DARIANA

Il est temps d’achever ce couplet.

Soldat, votre épée, s’il vous plaît.

(Dariana prend l’épée des mains du soldat et s’approche de Vitriola.)

Commençons par toi, ma jolie.

Où t’ont menée ta jalousie,

Ton avidité de pouvoir,

Ton orgueil et tes desseins noirs ?

Pour me venger ma lame est prête.

VITRIOLA

Pitié, Dariana, je regrette.

Je ne recommencerai plus.

Offre une chance de salut

À ton ennemie terrassée,

Ta pauvre proie terrorisée.

J’ai si peur de mourir !

Au moins, ne me fais pas souffrir.

DARIANA

Que veux-tu que je te fasse ?

Tu n’as pas mérité ma grâce.

Je te l’accorderai pourtant.

Va-t’en !

(Dariana tranche les liens de Vitriola, puis de Prokol et Kolargol, qui s’enfuient.)

Ne foulez plus ces lieux des pieds.

(Elle rend l’épée au soldat.)

Ils ne demandent point leur reste,

Ces rebouteux et cette peste.

Merci, soldat pour ce coupe-papier.

 

SOLDAT

Mais de rien, Votre Majesté.

PHILIPPULLUS

N’avais-je pas prédit qu’un jour vous seriez reine,

Que de Vitriola les maléfiques plans

Tomberaient sur le flanc ?

On me traite de phénomène,

N’avais-je pourtant pas raison ?

Mais on dit dans cette maison

Que j’ai dans ma cervelle

Un nid d’hirondelle.

Que faut-il dire de plus ?

Je suis le grand Philippullus.

CHŒURS

Que faut-il dire de plus ?

Il est le grand Philippullus.

UN GARDE

Sire, nous venons d’appréhender un dangereux terroriste qui s’est introduit dans le palais armé d’un canon.

DARIANA

Un canon ?

UN GARDE

Un très long canon de bois qu’il portait sur l’épaule. Voulez-vous que l’on l’égorge sous vos yeux à l’instant même ? Cela apporterait une touche d’imprévu et de gaîté à la fête de votre couronnement.

DARIANA

Un canon de bois ne peut tirer que des boulets de bois. Qu’on l’introduise avec son arme de guerre, sans brutalité, s’il vous plaît.

 

(Les gardes introduisent le montagnard avec son cor alpin. On l’entend chanter.)

LE MONTAGNARD

Yodelé, Yodeléï

Quelle agréable journée !

Le ciel si bleu, le vent si doux

Sous le soleil du mois d’août

C’est une heureuse randonnée.

Yodelé, Yodeléï

 

Yodelé, Yodeléï

Au milieu de la verdure

Nul ne viendra me quereller

J’ai plaisir à m’isoler

Seul au milieu de la nature.

Yodelé, Yodeléï

DARIANA

C’est mon ami, c’est l’homme des alpages.

Je craignais tant de ne plus le revoir !

Loin des sommets, j’en perdais tout espoir.

Il est venu de son lointain village.

LE MONTAGNARD

Yodelé, Yodeléï

Me voici dans ton beau palais.

Ce décor point ne me déplaît

Mais pour un yodeleur habile,

Il y manque l’air bleu, si pur

De ma montagne. Il serait dur

D’habiter cette grande ville.

J’aspire à la vallée tranquille.

Sans écho dans ce val, rien qui m’aille

Pour chanter la Yodelaille.

Yodelé, Yodeléï

DARIANA

Mon ami le yodeleur a la nostalgie de ses montagnes enneigées. Je les regrette souvent moi aussi. Je me languis de ma lauzière dans laquelle j’avais si froid l’hiver. Mais c’est ainsi. Je suis reine, à présent. Avant de reprendre la route, joue-nous de ton cor comme autrefois.

Mon vieux cor alpin

Tout en bois de sapin

Charmera vos oreilles

D’une harmonie sans pareille.

Son long tuyau peut vous effrayer

Mais son doux chant vous égailler.

Trop tard, voici la fanfare,

Toujours présente au bon moment

Pour vous en gâter l’agrément.

À nouveau le tintamarre.

(Solo de cor alpin avec accompagnement de fanfare.)

UN GARDE

Sire, nous venons d’appréhender un jeune anarchiste qui s’est introduit dans le palais armé d’un canon. Voulez-vous que l’on l’égorge sous vos yeux à l’instant même ? Cela apporterait une touche d’imprévu et de gaîté à la fête de votre couronnement.

DARIANA

Un jeune anarchiste ? Je serais heureuse d’entendre ses bonnes raisons de s’introduire sans être invité. Qu’on me le fasse venir. Sans brutalité, s’il vous plaît.

(Les gardes introduisent Ganael.)

En effet, il est très jeune, cet anarchiste. En tout cas, il n’a pas l’air très dangereux. Qui es-tu ?

GANAEL

Ganael est mon nom.

DARIANA

Qui te rend si hardi, mon garçon,

Que chez moi tu pénètres

En passant par la fenêtre ?

GANAEL

Par la porte j’ai voulu venir ;

On ne m’a pas permis de la franchir.

DARIANA

Quel enfant motivé ! Je m’incline.

Dis-moi donc quel pouvoir te fascine.

GANAEL

Je suis l’enfant qui, à Fergon,

Porta la harpe éolienne.

Étrange présent, dira-t-on,

Mais c’est une histoire ancienne.

De voir la harpe véritable

J’avais un désir intraitable,

Mais du roi j’avais tant de frayeur !

DARIANA

Et moi, je ne te fais pas peur ?

GANAEL

Votre visage est tant aimable !

Vous serez une reine affable.

Mon audace vous pardonnerez

Car mon esprit s’est égaré.

 

DARIANA

Petit garçon, n’aie de moi nulle crainte.

Permets que je t’embrasse, accepte mon étreinte.

Tu es un enfant doué.

Je vais t’apprendre à en jouer.

CHŒURS

Resplendissante,

Elle est charmante.

Sur son front majestueux

Le diadème radieux

Se mêle à sa blonde chevelure.

Elle est si belle, elle est si pure !

Notre reine Dariana

Sur notre patrie régnera.

Son sceptre nous protégera.

Dieu lui accorde la sagesse

Et nous lui faisons la promesse

D’être prompts à lui obéir

Et zélés pour la servir.

(Dariana prend place à la harpe, accompagnée de Ganael qui joue les basses. Clôture instrumentale où la harpe partage les solos avec le cor alpin, la fanfare et la symphonie, sans oublier le soubassophone.)