47. Église de Christ, église universelle,
églises locales
Que la parole de Christ habite parmi vous abondamment ; instruisez-vous et exhortez-vous les uns les autres en toute sagesse, par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels, chantant à Dieu dans vos cœurs sous l’inspiration de la grâce.
Colossiens 3.16
Il suffit de circonstances particulières et inattendues, en l’occurrence, une prétendue pandémie qui oblige les gens à rester chez eux et à fermer les églises pour que les chrétiens soient poussés à bouleverser leurs habitudes. D’abord, nous sommes tous désorientés, et puis les églises s’organisent pour continuer à célébrer le culte, les réunions de prière et d’étude biblique. La technologie qui nous asservit alors qu’elle était censée nous servir se montre, pour une fois, utile à quelque chose. Par écran et caméra interposés, les chrétiens peuvent se rassembler, prier ensemble, écouter la prédication et même partager la cène.
Finalement, c’est une solution acceptable, c’est convivial, et puis, nous pouvons rester chez nous, nous n’avons pas besoin de prendre notre voiture, on peut se lever un peu plus tard… Dommage qu’on n’y ait pas pensé plus tôt.
J’ai beau être un vieux réactionnaire, il m’arrive d’aller voir sur les réseaux sociaux ce qu’en disent les chrétiens.
D’aucuns disent :
« De toute façon, l’Église, ce n’est pas un bâtiment avec ses vitraux et son clocher, elle n’est pas composée de parpaings ni de briques, elle est constituée de pierres vivantes. Ce sont nous, les chrétiens, qui sommes l’Église. »
D’accord !
D’autres ajoutent :
« Et d’ailleurs, ce n’est écrit nulle part dans la Bible qu’il doive y avoir des églises locales. »
Alors-la ! J’ai envie de leur répondre :
« Vous êtes sûrs que c’est dans la Bible que vous avez cherché, pas dans Picsou Magazine ? »
Face à cette confusion, je vous propose d’étudier succinctement, à la lumière de la parole divine, la question des églises locales. Nous aborderons l’histoire de l’Église. J’emploierai le terme d’Église de Christ pour parler de l’Église dans sa globalité, en opposition aux églises locales, à l’exclusion de l’expression « Église universelle » qui insinue toutes sortes de déviations. L’histoire, évidemment, commence au livre des Actes.
Tous ceux qui croyaient étaient dans le même lieu, et ils avaient tout en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, et ils en partageaient le produit entre tous, selon les besoins de chacun. Ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur, louant Dieu, et trouvant grâce auprès de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Église ceux qui étaient sauvés.
Actes 2.44/47
Ayant entendu cela, ils entrèrent dès le matin dans le temple, et se mirent à enseigner.
Actes 5.21
C’est la naissance de l’Église, l’église locale se confond avec l’Église de Christ, puisqu’il n’y a pas d’église ailleurs qu’à Jérusalem. Nous constatons l’informalité du lieu de culte, dans les maisons, surtout pour la célébration, mais aussi dans le temple, surtout pour l’enseignement. Les chrétiens utilisaient donc toutes les possibilités pour se réunir. En terrain profane, dans les maisons, ils jouissaient de plus de liberté, mais dans le temple, ils pouvaient partager la parole avec d’autres Juifs, ce temple était, en quelque sorte, un outil d’évangélisation. Tant qu’on leur en accordait le droit, ils enseignaient dans le temple. Plus tard, nous verrons Paul et ses compagnons enseigner dans les synagogues.
Les chrétiens de Jérusalem s’étaient établis dans une certaine manière de faire, ils n’avaient pas à l’idée de changer leurs habitudes. Nous sommes bien entre nous, au chaud.
Pour sortir l’Église naissante de son embourgeoisement, il a fallu un événement malheureux. Malheureux ? Pas tant que cela ! Nous voyons avec quelle paix surnaturelle Étienne, tombant sous les pierres, entre dans la joie du Maître.
Saul avait approuvé le meurtre d’Étienne. Il y eut, ce jour-là, une grande persécution contre l’Église de Jérusalem ; et tous, excepté les apôtres, se dispersèrent dans les contrées de la Judée et de la Samarie. Des hommes pieux ensevelirent Étienne, et le pleurèrent à grand bruit. Saul, de son côté, ravageait l’Église ; pénétrant dans les maisons, il en arrachait hommes et femmes, et les faisait jeter en prison.
Actes 8.1/3
Qu’est-ce qui va changer dans l’Église de Christ ?
L’église locale va se différencier de l’Église de Christ, l’église de Jérusalem ne sera plus la seule église chrétienne. L’église de Jérusalem, bien qu’elle soit la première, n’est pas destinée à grandir jusqu’à devenir une sorte de megachurch. Les membres vont être amenés à se disperser ; l’église va donc « se dégonfler », évitant une sorte d’obésité.
Il n’est pas bon qu’une église soit divisée et les brebis dispersées, me direz-vous. C’est vrai, mais pas dans cette occurrence. Il ne s’agit pas ici d’une division comme il en existe beaucoup trop, provoquées par de déplorables querelles de clocher, il s’agit-là d’un essaimage. Je ne suis pas convaincu que Dieu approuve la formation de megachurches, mais plutôt qu’il demande aux églises d’essaimer jusqu’à son retour.
Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint–Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.
Matthieu 28.19/20
Quand une église grandit, elle dispose d’un autre choix qu’agrandir ses locaux. Une partie des membres de cette église « mère » devra former un noyau d’église dans une ville ou un quartier des alentours en vue d’évangéliser jusqu’à ce qu’elle devienne une église majeure qui essaimera à son tour.
Enfin, l’église sera « désacralisée ». Le temple, assurait peut-être aux chrétiens une sorte de sécurité spirituelle, mais il ne sera plus question de s’y réunir. Les églises dans les maisons deviennent la solution privilégiée.
C’est ainsi qu’une nouvelle église sera fondée à Samarie, par le ministère du diacre Philippe, lequel ne tardera pas à laisser Pierre et Jean poursuivre son ministère pastoral. Bientôt, l’église rayonna, non plus autour de Jérusalem, mais autour d’Antioche, là même où, pour la première fois, les disciples de Jésus furent appelés chrétiens.
Ceux qui avaient été dispersés par la persécution survenue à l’occasion d’Étienne allèrent jusqu’en Phénicie, dans l’île de Chypre, et à Antioche, annonçant la parole seulement aux Juifs. Il y eut cependant parmi eux quelques hommes de Chypre et de Cyrène, qui, étant venus à Antioche, s’adressèrent aussi aux Grecs, et leur annoncèrent la bonne nouvelle du Seigneur Jésus. La main du Seigneur était avec eux, et un grand nombre de personnes crurent et se convertirent au Seigneur. Le bruit en parvint aux oreilles des membres de l’Église de Jérusalem, et ils envoyèrent Barnabas jusqu’à Antioche. Lorsqu’il fut arrivé, et qu’il eut vu la grâce de Dieu, il s’en réjouit, et il les exhorta tous à rester d’un cœur ferme attachés au Seigneur. Car c’était un homme de bien, plein d’Esprit–Saint et de foi. Et une foule assez nombreuse se joignit au Seigneur. Barnabas se rendit ensuite à Tarse, pour chercher Saul ; et, l’ayant trouvé, il l’amena à Antioche. Pendant toute une année, ils se réunirent aux assemblées de l’Église, et ils enseignèrent beaucoup de personnes. Ce fut à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés chrétiens.
Actes 11.19/26
C’est encore à Antioche que le Saint-Esprit sépare Saul, ou Paul, et Barnabas, en vue d’un long ministère d’évangélisation en terre païenne. (Acte 13.2)
Paul et ses compagnons vont donc fonder de nouvelles églises, mais il ne les livrera pas à elles-mêmes sans y avoir installé des anciens, c’est-à-dire, des chrétiens capables d’enseigner droitement la parole. Sans eux, les églises locales ne tarderaient pas, à cause de l’ignorance des chrétiens, à dévier dans les plus invraisemblables hérésies.
Quand ils eurent évangélisé cette ville (Derbe) et fait un certain nombre de disciples, ils retournèrent à Lystre, à Icone et à Antioche, fortifiant l’esprit des disciples, les exhortant à persévérer dans la foi, et disant que c’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. Ils firent nommer des anciens dans chaque Église, et, après avoir prié et jeûné, ils les recommandèrent au Seigneur, en qui ils avaient cru.
Actes 14.21/23
La synagogue était pour les apôtres un lieu privilégié leur permettant d’enseigner l’Évangile aux Juifs, du moins quand ils y étaient reçus, mais les églises se rassemblaient principalement dans des maisons.
De Perge ils poursuivirent leur route, et arrivèrent à Antioche de Pisidie. Étant entrés dans la synagogue le jour du sabbat, ils s’assirent. Après la lecture de la loi et des prophètes, les chefs de la synagogue leur envoyèrent dire : Hommes frères, si vous avez quelque exhortation à adresser au peuple, parlez.
Actes 13.14/15
À Icone, Paul et Barnabas entrèrent ensemble dans la synagogue des Juifs, et ils parlèrent de telle manière qu’une grande multitude de Juifs et de Grecs crurent.
Actes 14.1
Je vous recommande Phœbé, notre sœur, qui est diaconesse de l’Église de Cenchrées, afin que vous la receviez en notre Seigneur d’une manière digne des saints, et que vous l’assistiez dans les choses où elle aurait besoin de vous, car elle a donné aide à plusieurs et à moi-même. Saluez Prisca et Aquilas, mes compagnons d’œuvre en Jésus-Christ, qui ont exposé leur tête pour sauver ma vie ; ce n’est pas moi seul qui leur rends grâces, ce sont encore toutes les Églises des païens. Saluez aussi l’Église qui est dans leur maison. Saluez Èpaïnète, mon bien-aimé, qui a été pour Christ les prémices de l’Asie.
Romains 16.1/5
Les Églises d’Asie vous saluent. Aquilas et Priscille, avec l’Église qui est dans leur maison, vous saluent beaucoup dans le Seigneur. Tous les frères vous saluent. Saluez-vous les uns les autres par un saint baiser.
1 Corinthiens 19/20
L’église dans les maisons était la solution la plus adaptée à la situation de l’époque apostolique, mais nous reviendrons sur le fait que ce modèle n’est pas normatif.
***
Un siècle s’est écoulé. Nous sommes aux environs de l’an 140, sous le règne de l’empereur Antonin. Pour satisfaire à la curiosité du souverain, l’un des Pères de l’Église, Justin Martyr, lui adresse une lettre dans laquelle il explique le déroulement d’un culte chrétien :
Au jour appelé du soleil (le dimanche), tous ceux qui habitent dans les villes et dans les campagnes, se réunissent en un même lieu. Alors on lit, aussi longuement que le temps le permet, les mémoires des apôtres ou les écrits des prophètes. Ensuite, quand le lecteur a fini son office, celui qui préside fait une allocution pour l’instruction de l’assemblée et pour l’exhorter à suivre ces nobles exemples. Notre prière étant terminée, on apporte du pain et du vin mélangé d’eau, et celui qui préside offre, selon sa capacité, des prières et des actions de grâces auxquelles l’assemblée répond en disant : Amen. Le pain et le vin pour lesquels on a rendu grâces, sont ensuite distribués ; chacun y participe et une portion en est portée par les diacres à ceux qui sont absents. Puis on fait une collecte ; ceux qui le peuvent et ont bonne volonté donnent chacun ce qu’il trouve convenable, et on en remet le produit à celui qui préside. Il en assiste les orphelins et les veuves, ceux qui, par maladie ou autres causes, sont dans le besoin, les prisonniers et les étrangers qui se trouvent parmi nous, en un mot, il prend soin de tous ceux qui se trouvent dans quelque nécessité.
Nous nous rassemblons le jour du soleil, parce que c’est le premier jour où Dieu, ayant opéré un changement dans les ténèbres et la matière, a fait le monde ; et parce qu’en ce même jour, Jésus Christ, notre Sauveur, ressuscita d’entre les morts. Car il fut crucifié le jour avant celui de Saturne (le samedi), et le jour qui suit celui-ci, c’est-à-dire le jour du soleil, il apparut à ses apôtres et à ses disciples, et leur donna ses enseignements.
[…]
Nous appelons ce repas eucharistie (actions de grâces), et nul n’est admis à y participer, s’il n’a reçu comme vraies les choses que nous enseignons, s’il n’a été lavé du lavage qui est pour la rémission des péchés et pour la régénération, et s’il ne vit comme Christ l’a ordonné... Les apôtres, dans les mémoires qu’ils ont écrits et que l’on nomme les évangiles, nous ont transmis ce qui leur fut ordonné, savoir que Jésus prit du pain et qu’ayant rendu grâces, il dit : « Faites ceci en mémoire de moi », et que de même, ayant pris la coupe et rendu grâces, il dit : « Ceci est mon sang », et il la leur donna.
Cette lecture nous force de constater que le déroulement du culte n’a pas subi de grands changements depuis le temps des apôtres, de même, les églises évangéliques, avant qu’elles ne dévient, n’en étaient pas très éloignées. Cette description de l’Église primitive nous amène à plusieurs réflexions :
Sabbat ou dimanche ?
Ce document démolit d’emblée l’argument des adventistes. Ceux-ci déclarent en effet que nous devons impérativement célébrer le culte le samedi parce que le culte dominical a été imposé par Constantin. Or, il est indubitable que, deux siècles avant lui, et sans doute bien auparavant, l’habitude du culte dominical avait été prise.
Revenons au temps des apôtres :
Le premier jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre le pain. Paul, qui devait partir le lendemain, s’entretenait avec les disciples, et il prolongea son discours jusqu’à minuit.
Actes 20.7
Rappelons que le jour du culte n’est pas un critère fondamental pour recevoir la bénédiction (Romains 14.5).
Qu’en est-il des libéralités ?
Toujours d’après ce témoignage de Justin, les offrandes, ou libéralités n’étaient pas employées pour les frais liés au lieu de culte, ni au salaire du pasteur, bien que la parole n’interdise pas d’avoir un serviteur salarié par l’église (1 Corinthiens 9.14). Quant au local, ils n’en avaient pas.
Le texte que nous lisons souvent dans nos églises au moment de la collecte des offrandes devrait être reconsidéré dans son contexte. Il s’agit de fonds rassemblés pour venir en aide aux nécessiteux, ainsi qu’aux chrétiens, en l’occurrence ceux de l’église de Jérusalem, dont beaucoup ont été réduits à la misère à cause de la persécution. C’est avec une grande indignation que je considère le fait que certaines églises investissent des dizaines de milliers d’euros en sonorisation, en projecteurs et en instruments de musique haut de gamme alors que les mêmes crachent généreusement une cacahuète, que dis-je, un cotylédon, pour l’action sociale et pour les missions.
Pour ce qui concerne la collecte en faveur des saints, agissez, vous aussi, comme je l’ai ordonné aux Églises de la Galatie. Que chacun de vous, le premier jour de la semaine, mette à part chez lui ce qu’il pourra, selon sa prospérité, afin qu’on n’attende pas mon arrivée pour recueillir les dons.
Et quand je serai venu, j’enverrai avec des lettres, pour porter vos libéralités à Jérusalem, les personnes que vous aurez approuvées.
1 Corinthiens 16.1/3
La cène, où et quand ?
Au temps des Actes des Apôtres, la fraction du pain se célébrait dans les maisons et chaque jour. Le repas se prenait avec simplicité de cœur. C’est à la suite des temps que cette pratique s’est formalisée. Chaque dimanche ? Chaque fois que les chrétiens se réunissent ? Une fois par semaine ? Une fois par mois ? Une fois par an ? La Bible ne donne aucune règle normative. Dans les débuts de l’Église, on ne se contentait pas d’une bouchée de pain et d’une gorgée de vin, mais de véritables agapes, une auberge espagnole où chacun apportait, qui une bouteille de beaujolais, qui un poulet rôti, qui une salade niçoise, qui un dessert. Malheureusement, certains pique-assiettes se sont livrés à de tels abus qu’à Corinthe, Paul a dû rappeler les chrétiens à l’ordre.
Ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur, louant Dieu, et trouvant grâce auprès de tout le peuple.
Actes 2.46/47
Lors donc que vous vous réunissez, ce n’est pas pour manger le repas du Seigneur ; car, quand on se met à table, chacun commence par prendre son propre repas, et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre. N’avez-vous pas des maisons pour y manger et boire ? Ou méprisez-vous l’Église de Dieu, et faites-vous honte à ceux qui n’ont rien ? Que vous dirai-je ? Vous louerai-je ? En cela je ne vous loue point. Car j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai enseigné ; c’est que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit, et dit : Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de moi.
1 Corinthiens 11.20/24
Cuisines ou cathédrales ?
L’église se réunit là où elle peut. En période de persécution, il n’est pas question d’avoir son petit local, avec son clocher, ses vitraux, sa croix au-dessus de la porte pour que tout le monde sache que c’est une église. Mais réunion de maison ne signifie pas nécessairement réunion de cuisine. Quand l’église locale prend de l’importance, elle a besoin d’espace. Les classes modestes habitaient des insulae, mais les plus aisés vivaient dans de spacieuses villas qui pouvaient, dans leur atrium, accueillir facilement plus de cent personnes.
Au troisième siècle l’église connaît, dans la persécution, des moments de répit dont elle va profiter pour jouir d’un peu plus de confort :
Pendant le règne d’Alexandre Sévère, la situation du christianisme vis-à-vis du monde subit un grand changement. Ce fut à cette époque que les chrétiens commencèrent à élever des édifices publics pour se rassembler, et l’empereur les favorisa en cela. Jusqu’alors, au grand étonnement des païens, ils n’avaient eu ni temples, ni autels. Tandis que les Juifs eux-mêmes avaient partout leurs synagogues publiques, les lieux où les chrétiens se rassemblaient n’avaient aucun cachet distinctif. Comme nous le lisons dans les Actes et les Épîtres, et comme nous savons que cela eut lieu longtemps après, ils se réunissaient dans des maisons particulières (Actes 12, 12 ; 19, 9 ; 20, 7, 8 ; Romains 16, 23 ; 1 Corinthiens 16. 19 ; Colossiens 4, 15 ; Philémon 2). À Rome, ce fut souvent dans les catacombes, le lieu de repos de leurs morts. Dans les temps de persécution, ils pouvaient ainsi plus aisément échapper à leurs ennemis, mais en même temps ces réunions secrètes donnèrent lieu à beaucoup d’accusations. Les païens, qui ne pouvaient se représenter un culte sans temple ou édifice sacré, étaient disposés à penser que ces rassemblements mystérieux cachaient des actes honteux et coupables.[1]
Alexandre Sévère n’était pas chrétien, mais il était plutôt favorable au christianisme. Sous son règne, les églises commencent à construire de luxueux bâtiments, mais elles déclinent dans leur piété. Je précise que la santé spirituelle d’une église n’est pas conditionnée par la présence ou à l’absence de local. Plusieurs critères entrent en jeu.
Alexandre Sévère mourra assassiné. Maximin le remplace sur le trône. L’église est à nouveau persécutée et les « basiliques » sont détruites. Persécutions et trêves vont se succéder jusqu’en 326, ou un nouvel empereur va changer toute l’histoire de la chrétienté : Flavius Valerius Aurelius Constantinus, Constantin pour les intimes. Le christianisme devient une religion d’État, les persécutés deviennent persécuteurs, on construit allègrement des basiliques de plus en plus fastueuses. C’est le début du déclin du christianisme.
***
Après ce long rappel historique, revenons à l’Église d’aujourd’hui.
Le principe de l’église locale est-il biblique ?
Oui. Évidemment. Pourquoi, dans la négative, Paul aurait-il écrit aux Romains, aux Corinthiens, aux Galates, etc.
Pour cela je vous ai envoyé Timothée, qui est mon enfant bien-aimé et fidèle dans le Seigneur ; il vous rappellera quelles sont mes voies en Christ, quelle est la manière dont j’enseigne partout dans toutes les Églises.
1 Corinthiens 4.17
Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange pour vous attester ces choses dans les Églises. Je suis le rejeton et la postérité de David, l’étoile brillante du matin.
Apocalypse 22.16
S’il n’y avait pas d’église locale, que signifierait : « Instruisez-vous et exhortez-vous les uns les autres » (Colossiens 3.16).
D’autres questions se posent sur les églises locales d’aujourd’hui. Tout d’abord, quelle importance devons-nous apporter au bâtiment ?
On m’a assez dit que je n’étais pas un vrai pasteur parce que je travaillais et que notre église n’était pas une vraie église parce qu’elle se réunissait dans une salle prêtée par la mairie. Au début, cela me faisait de la peine, mais j’ai appris à compter avec la sottise humaine. D’ailleurs, aux vrais pasteurs dans leur vraie église ayant vitraux sur rue, je me ferais un plaisir de rappeler cette anecdote qui a traversé plusieurs générations :
Lorsqu’un certain mouvement évangélique, qui a maintenant des communautés solidement implantées, a commencé à s’installer en France, l’église, faute de moyens, s’est d’abord rassemblée dans les bistros. Un des membres avait pris l’habitude de venir une bonne demi-heure à l’avance et de consommer deux ou trois bières en attendant. Et quand les chrétiens commençaient à arriver, il prenait congé en ces mots :
« Bon, les gars, je vous quitte, je m’en vais en pousser une ! »
Après les petits commencements, l’Église est devenue une puissance spirituelle et politique, les évêques ont commencé à se faire construire des palais pour leur résidence, et pour le culte, on a bâti des cathédrales. L’Église de Christ est devenue l’Église catholique. Tout comme l’église locale de Laodicée, elle est riche, elle s’est enrichie, elle n’a besoin de rien. Elle est tiède, malheureuse, misérable, pauvre aveugle et nue, en dépit de ses richesses matérielles, et Jésus la vomira de sa bouche. (Apocalypse 3.15/17). L’Église réformée possédait aussi des temples, constructions bien plus modestes. Voici revenu le temps des cathédrales et celui de Laodicée. Les maîtres possèdent sur la côte californienne des villas sur front d’océan qui coûtent plusieurs millions de dollars. Quant aux cathédrales évangéliques, véritables supermarchés de la foi, elles étalent leur opulence aux yeux du monde. Voyez comme nous sommes riches ; c’est parce qu’in God we trust et que Dieu nous bénit.
Nous ne devons pas pour autant réagir à cet évangile de l’opulence par l’évangile du délabrement. Les deux relèvent de la folie. J’ai travaillé sous la férule d’un pasteur atteint de cette pathologie. Selon lui, pour que nous soyons de bons chrétiens, il faut que nos maisons soient en ruine, que nos voitures soient déglinguées, que nos femmes soient moches. Le local de l’église était l’un des pires taudis de la ville. La pire injure qu’on pouvait faire à ce pasteur, c’est de donner un coup de balai dans la salle. La vitrine brillait par sa saleté, il y avait une bible ouverte, aussi vieille que le bâtiment lui-même, et piquée par les vers. Un jour, j’ai pris l’initiative de la remplacer par une bible neuve. Qu’est-ce que je n’avais pas fait là !
Chaque fois que, dans son histoire, elle a connu la persécution, l’église a dû renoncer à ses cathédrales pour revenir aux catacombes. L’Église catholique elle-même n’y a pas échappé. Après avoir été persécutrice, elle est devenue persécutée sous la Révolution française. Sous la persécution, les chrétiens se réunissent comme ils le peuvent et où ils le peuvent, dans les bois, dans les grottes, au « désert ». En URSS, on ne craignait pas de briser la glace pour baptiser dans la Volga. Comme ils étaient loin de notre petite bourgeoisie évangélique ! En 2020, la prétendue pandémie fait apparaître une nouvelle forme d’église de maison…
C’est dans les temps difficiles que l’Église est la plus active et la plus vivante. Ce n’est pas l’édifice qui est en cause. La sécurité produit le confort et le confort entraîne l’assoupissement. Au contraire, ces temps de vie facile devaient préparer les chrétiens pour les jours de clandestinité à venir.
Toutefois, en temps de paix, il me paraît bon que les églises locales aient, dans la mesure du possible, une vitrine, modeste, mais propre, afin de témoigner au monde, non seulement de notre présence, mais aussi de l’authenticité de notre foi. Rappelons-nous qu’au temps des romains, les chrétiens, obligés de se cacher, étaient accusés de se livrer en secret à des pratiques inavouables.
Une église qui aspire ou une église qui essaime ?
Comme nous pensons l’avoir déjà dit, l’église locale n’a pas vocation de graviter autour de son nombril. Si notre église est un aspirateur, inversons les hélices ! Dès qu’elle a suffisamment gagné en maturité, elle devrait essaimer afin d’ouvrir des postes d’évangélisation dans des villes, villages, ou quartiers qui n’ont pas encore la chance d’avoir un lieu de rassemblement chrétien. Pourquoi faudrait-il parcourir cent kilomètres par dimanche pour se rendre au culte ? La nouvelle tendance est contraire à notre vision. Fermer les petites églises pour ramener le plus de monde possible dans le même lieu. C’est tout bénéfice pour le pasteur et pour le groupe de « louange » dont l’orgueil est flatté par la consistance de son auditoire et dont le succès est assuré. C’est tout bénéfice aussi pour les moutons dont le sentimentalisme évangélique est bercé par l’ambiance de salle de spectacle, si éloignée de la simplicité d’un culte fondé sur l’enseignement de la parole de Dieu. Sans parler du bénéfice économique : on ferme les petits bureaux de poste, on ferme les petites gares parce qu’ils ne sont pas assez rentables. Voici venu le tour des petites églises. Quel désastre !
Les églises locales peuvent donc, et doivent exister, elles ne doivent pas pour autant devenir des forteresses entourées de remparts, car elles font partie d’une grande œuvre qui est l’Église du Christ. Tout en réprouvant les habitudes de certains chrétiens qui mangent à tous les râteliers, je pense que des liens doivent exister entre les diverses églises locales d’une même région, tant que cela ne met pas en danger l’intégrité doctrinale. C’est ainsi que l’église de Colosses était en liens fraternels avec celle de Laodicée. L’église de Laodicée a-t-elle été essaimée par celle de Colosse ? Les textes ne le précisent pas, mais cela me paraît possible.
Saluez les frères qui sont à Laodicée, et Nymphas, et l’Église qui est dans sa maison. Lorsque cette lettre aura été lue chez vous, faites en sorte qu’elle soit aussi lue dans l’Église des Laodicéens, et que vous lisiez à votre tour celle qui vous arrivera de Laodicée.
Colossiens 4.15/16
L’Église primitive : notre modèle ?
L’église des Actes des Apôtres devrait être notre modèle, au moins sur le fond, si ce n’est sur la forme. Ainsi l’Église du IIe siècle, telle que nous la décrit Justin Martyr n’a que très peu dévié par rapport à l’Église naissante. Les églises, dans leur fonctionnement, doivent revenir à cette simplicité, mais surtout à cette spiritualité d’autrefois. L’Église romaine s’en est rapidement éloignée. La nébuleuse évangélique, après avoir fait son slogan du retour à la foi de l’époque apostolique s’est engouffrée à son tour dans le maelstrom de l’apostasie.
Doit-on pour autant renoncer à ce qui est nouveau ? L’Église primitive n’avait pas d’école du dimanche, ni de réunion de jeunesse, de réunion de femmes chrétiennes, etc. Faut-il en conclure que ces choses sont mauvaises ? Sachons en toutes choses faire preuve de discernement et conserver ce qui est bon.
Les églises ne doivent pas forcément s’interdire d’organiser des concerts, ou des spectacles, ou des projections de films, ou d’inviter des intervenants plus ou moins renommés, mais elles se font bien des illusions si elles s’imaginent que les « efforts d’évangélisation » vont faire tomber le réveil. Le spectaculaire ne conduit pas à la repentance et l’événementiel devrait rester exceptionnel.
Il est vain de rechercher à tout prix la nouveauté qui frappe les yeux, car l’Éternel regarde à tout autre chose (1 Samuel 16.7). Ce qui est vrai pour l’apparence d’un homme l’est aussi pour l’apparence de notre adoration.
Église de Christ ou Église universelle ?
Je ne voudrais pas trop m’étendre sur ce que certains chrétiens appellent pompeusement l’Église universelle.
« Et vous, vous êtes membre de quelle église ?
– Moi ? Mais de l’Église universelle ?
– Oui, d’accord, mais sur le plan local ?
– Comment ? Vous en êtes encore à ce stade-là ? Vous êtes limité à votre petit clocher ? Moi, môssieu, je le répète, je fais partie de l’Église universelle. »
Ceux qui se revendiquent de l’Église universelle se divisent en deux catégories : ceux qui ne vont nulle part et ceux qui vont partout. Les uns sont, en définitive, une église locale à eux tout seuls, les autres, de dimanche en dimanche, butinent de fleur en fleur. Les uns comme les autres ne s’engagent pas, ils sont certains de ne se disputer avec personne (quoique…). Ils n’ont pas de pasteurs ni d’anciens dans les pattes pour les enseigner et, éventuellement, les contredire. Ils font ce qu’ils veulent, ils ont une vie chrétienne sur mesure, ils disent que dans la Bible, il y a à prendre et à laisser, et ils prennent ce qui leur convient.
L’apôtre les a pourtant prévenus, mais les épîtres à Timothée font justement partie des « à laisser ».
Je t’en conjure devant Dieu et devant Jésus-Christ, qui doit juger les vivants et les morts, et au nom de son apparition et de son royaume, prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant. Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine ; mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs, détourneront l’oreille de la vérité, et se tourneront vers les fables.
2 Timothée 4.1/4
Je fais partie d’une église locale et, par conséquent, de l’Église de Christ, l’une étant incluse dans l’autre, mais en aucun cas de la fantomatique Église universelle.
Peut-on avoir de bonnes raisons de se soustraire à l’église locale ?
Nous trouvons, là encore, deux catégories de raisons : les irrecevables et les excusables.
En règle générale, se soustraire volontairement de la communion fraternelle entraîne des conséquences fâcheuses.
J’ai noté quelques raisons inacceptables :
« Je ne vais plus à l’église parce que ne puis souffrir un tel.
– Mais, cher ami, avez-vous quitté votre travail parce que vous avez un collègue désagréable. Partout où vous irez, vous rencontrerez des mauvais coucheurs. »
D’autres disent encore :
« Je ne peux pas aller à l’église parce que c’est justement le dimanche matin que je fais du rugby. »
Il y a pire :
« Vous comprenez, le dimanche c’est le seul jour où je peux faire la grasse matinée, le temps de me laver, de prendre mon petit déjeuner. J’arrive quand c’est terminé, autant rester chez moi. »
Ceux-là ne manquent pas d’ajouter :
« Mais je suis de tout cœur avec vous. »
Ou encore :
« Mais j’aime le Seigneur, vous savez. »
Quelques excuses acceptables :
Frères et sœurs âgés, en mauvaise santé, isolés, qui n’ont pas de moyen de locomotion et qui n’ont personne pour passer les prendre. Le Seigneur connaît leur situation et les bénit.
Des problèmes d’enseignement ou de moralité dans l’église. Supposons qu’il n’y ait qu’une seule église dans notre région et qu’on y enseigne qu’il faut attendre un certain temps avant d’être baptisé dans le Saint-Esprit, ou que les chrétiens seront enlevés après Armageddon, j’irai tout de même dans cette église, mais je ne m’y engagerais pas, je chaufferais les chaises. Si c’est une église de « saints rouleurs » (holly rollers), je resterais à la maison.
Obéissez à vos conducteurs et ayez pour eux de la déférence, car ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte ; qu’il en soit ainsi, afin qu’ils le fassent avec joie, et non en gémissant, ce qui ne vous serait d’aucun avantage.
Hébreux 13.17
N’abandonnons pas notre assemblée, comme c’est la coutume de quelques-uns ; mais exhortons-nous réciproquement, et cela d’autant plus que vous voyez s’approcher le jour.
Hébreux 10.25
Alors, pourquoi des églises locales ?
Revenons à notre première lecture :
Que la parole de Christ habite parmi vous abondamment ; instruisez-vous et exhortez-vous les uns les autres en toute sagesse, par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels, chantant à Dieu dans vos cœurs sous l’inspiration de la grâce.
Colossiens 3.16
Nous avons besoin de l’église locale pour nous y instruire et nous exhorter les uns les autres. Mais comment faire, sachant que nous n’avons pas tous reçu un ministère adéquat ? Nous pouvons le faire en partageant des psaumes, des hymnes, des cantiques, à condition que ces cantiques soient spirituels, pas nécessairement anciens, mais dont les textes riches nous rapprocheront de Dieu.
Nous exhorter et nous instruire les uns les autres, mais aussi nous supporter les uns les autres, c’est-à-dire partager les peines et les soucis des autres chrétiens.
Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à marcher d’une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres avec charité, vous efforçant de conserver l’unité de l’esprit par le lien de la paix.
Éphésiens 4.1/3
L’église locale nous enseigne aussi à nous pardonner les uns les autres. C’est un excellent exercice spirituel, mais difficile à pratiquer si l’on reste seul dans son coin.
Supportez-vous les uns les autres, et, si l’un a sujet de se plaindre de l’autre, pardonnez-vous réciproquement. De même que Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi.
Colossiens 3.13
Une église pour apprendre à se consoler les uns les autres :
Consolez-vous donc les uns les autres par ces paroles.
1 Thessaloniciens 4.18
Une église pour veiller les uns sur les autres :
Veillons les uns sur les autres, pour nous exciter à la charité et aux bonnes œuvres.
Hébreux 10.24
Et enfin, une église pour apprendre à s’aimer les uns les autres :
L’ancien, à Kyria l’élue et à ses enfants, que j’aime dans la vérité, – et ce n’est pas moi seul qui les aime, mais aussi tous ceux qui ont connu la vérité, – à cause de la vérité qui demeure en nous, et qui sera avec nous pour l’éternité : que la grâce, la miséricorde et la paix soient avec vous de la part de Dieu le Père et de la part de Jésus-Christ, le Fils du Père, dans la vérité et la charité ! J’ai été fort réjoui de trouver de tes enfants qui marchent dans la vérité, selon le commandement que nous avons reçu du Père. Et maintenant, ce que je te demande, Kyria, – non comme te prescrivant un commandement nouveau, mais celui que nous avons eu dès le commencement, – c’est que nous nous aimions les uns les autres.
2 Jean 1/5
Qui est donc cette Kyria, dont le nom peut se traduire par « maîtresse » ou « impératrice » ?
Est-elle simplement une mère qui élève ses enfants avec courage ? Il nous paraît plus probable que cette élue soit, non pas une femme, mais, plutôt dans un sens symbolique, une église locale, et ses enfants les chrétiens qui la composent. Le message de Jean s’adresse alors à une église, l’encourageant à persévérer dans l’amour et la vérité, deux mots particulièrement chers à l’apôtre Jean.
[1] « L’Église » Vol 1 p 336. Bibles et traités chrétiens Vevey Suisse
Créez votre propre site internet avec Webador