7. L’erreur du prophète de Juda
Voici, un homme de Dieu arriva de Juda à Béthel, par la parole de l’Eternel, pendant que Jéroboam se tenait à l’autel pour brûler des parfums. Il cria contre l’autel, par la parole de l’Éternel, et il dit : « Autel ! autel ! ainsi parle l’Éternel : Voici, il naîtra un fils à la maison de David ; son nom sera Josias ; il immolera sur toi les prêtres des hauts lieux qui brûlent sur toi des parfums, et l’on brûlera sur toi des ossements d’hommes ! » Et le même jour il donna un signe, en disant : « C’est ici le signe que l’Éternel a parlé : Voici, l’autel se fendra, et la cendre qui est dessus sera répandue. » Lorsque le roi entendit la parole que l’homme de Dieu avait criée contre l’autel de Béthel, il avança la main de dessus l’autel, en disant : « Saisissez-le ! » Et la main que Jéroboam avait étendue contre lui devint sèche, et il ne put la ramener à soi. L’autel se fendit, et la cendre qui était dessus fut répandue, selon le signe qu’avait donné l’homme de Dieu, par la parole de l’Éternel. Alors le roi prit la parole, et dit à l’homme de Dieu : « Implore l’Éternel, ton Dieu, et prie pour moi, afin que je puisse retirer ma main. » L’homme de Dieu implora l’Eternel, et le roi put retirer sa main, qui fut comme auparavant. Le roi dit à l’homme de Dieu : « Entre avec moi dans la maison, tu prendras quelque nourriture, et je te donnerai un présent. » L’homme de Dieu dit au roi : « Quand tu me donnerais la moitié de ta maison, je n’entrerais pas avec toi. Je ne mangerai point de pain, et je ne boirai point d’eau dans ce lieu-ci ; car cet ordre m’a été donné, par la parole de l’Eternel : Tu ne mangeras point de pain et tu ne boiras point d’eau, et tu ne prendras pas à ton retour le chemin par lequel tu seras allé. » Et il s’en alla par un autre chemin, il ne prit pas à son retour le chemin par lequel il était venu à Béthel.
Or il y avait un vieux prophète qui demeurait à Béthel. Ses fils vinrent lui raconter toutes les choses que l’homme de Dieu avait faites à Béthel ce jour-là, et les paroles qu’il avait dites au roi. Lorsqu’ils en eurent fait le récit à leur père, il leur dit : « Par quel chemin s’en est-il allé ? » Ses fils avaient vu par quel chemin s’en était allé l’homme de Dieu qui était venu de Juda. Et il dit à ses fils : « Sellez-moi l’âne. » Ils lui sellèrent l’âne, et il monta dessus. Il alla après l’homme de Dieu, et il le trouva assis sous un térébinthe. Il lui dit : « Es-tu l’homme de Dieu qui est venu de Juda ? » Il répondit : « Je le suis. » Alors il lui dit : « Viens avec moi à la maison, et tu prendras quelque nourriture. » Mais il répondit : « Je ne puis ni retourner avec toi, ni entrer chez toi. Je ne mangerai point de pain, je ne boirai point d’eau avec toi en ce lieu-ci ; car il m’a été dit, par la parole de l’Eternel : Tu n’y mangeras point de pain et tu n’y boiras point d’eau, et tu ne prendras pas à ton retour le chemin par lequel tu seras allé. » Et il lui dit : « Moi aussi, je suis prophète comme toi ; et un ange m’a parlé de la part de l’Éternel, et m’a dit : Ramène-le avec toi dans ta maison, et qu’il mange du pain et boive de l’eau. » Il lui mentait. L’homme de Dieu retourna avec lui, et il mangea du pain et but de l’eau dans sa maison. Comme ils étaient assis à table, la parole de l’Éternel fut adressée au prophète qui l’avait ramené. Et il cria à l’homme de Dieu qui était venu de Juda : « Ainsi parle l’Éternel : Parce que tu as été rebelle à l’ordre de l’Éternel, et que tu n’as pas observé le commandement que l’Éternel, ton Dieu, t’avait donné ; parce que tu es retourné, et que tu as mangé du pain et bu de l’eau dans le lieu dont il t’avait dit : Tu n’y mangeras point de pain et tu n’y boiras point d’eau, ton cadavre n’entrera pas dans le sépulcre de tes pères. »
1 Rois 13.1/22
Avant de nous pencher sur cet intéressant récit, commençons, si vous le voulez bien, par une leçon d’histoire.
Souvenons-nous qu’à la mort de Salomon, le jeune roi Roboam a été invité à recevoir une massive délégation syndicale. La Cégétée et la Céhefdétée de l’époque étaient bien d’accord sur les mêmes revendications : « Le travail est trop dur, les salaires trop bas, et nous exigeons les congés payés. »
Roboam, ne sachant quelle réponse leur donner, consulta d’abord les anciens qui savent tout ; ceux-ci, forts de leur sagesse et de leur expérience, lui conseillèrent d’accorder des concessions, afin, dirent-ils, de gagner la confiance et la sympathie de la classe laborieuse. Mais Roboam préféra écouter ses anciens copains de faculté, qui lui dirent : « Tu ne vas tout de même pas te laisser embobiner par une poignée de paysans et d’ouvriers ! Tu es le roi, oui ou non ? »
Les résultats de ce discours impertinent ne se firent pas attendre : grèves, émeutes, barricades, jets de pavés meurtriers (1 Rois 12.18) ; une répétition de mai 1968. À la suite de ces événements regrettables, Roboam perdit la plus grande partie du vaste royaume qu’avaient rassemblé son grand-père et son père. Les dix tribus dissidentes choisirent pour roi un syndicaliste virulent : Jéroboam.
Les ponts étaient donc coupés entre le royaume de Juda, capitale Jérusalem, au sud, et celui d’Israël, capitale Samarie, au nord. Mais ces deux royaumes devenus ennemis n’avaient qu’une seule capitale religieuse, qui était Jérusalem, et lorsqu’à « Pessach », les juifs pieux du nord franchissaient le « rideau de fer » pour aller au temple, Jéroboam se rongeait les ongles : « Et si mes sujets s’incrustaient à Jérusalem, s’ils s’y trouvaient mieux que chez moi et ne revenaient pas. Il va bien falloir que je trouve une solution ».
La solution, il l’a trouvée, en définitive, quand il décida d’installer dans son royaume, non pas une, mais deux capitales religieuses. Ainsi, les Israéliens auraient tout sur place et le roi aurait pu faire jouer en sa faveur la loi de la concurrence. Il édifia donc deux autels, l’un à Dan, l’autre à Béthel, et auprès de chaque autel, il fit fondre un de ces bons vieux veaux d’or d’autrefois.
Jéroboam bâtit Sichem sur la montagne d’Ephraïm, et il y demeura ; puis il en sortit, et bâtit Penuel. Jéroboam dit en son cœur : « Le royaume pourrait bien maintenant retourner à la maison de David. Si ce peuple monte à Jérusalem pour faire des sacrifices dans la maison de l’Éternel, le cœur de ce peuple retournera à son seigneur, à Roboam, roi de Juda, et ils me tueront et retourneront à Roboam, roi de Juda ». Après s’être consulté, le roi fit deux veaux d’or, et il dit au peuple : « Assez longtemps vous êtes montés à Jérusalem ; Israël ! voici ton Dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte. » Il plaça l’un de ces veaux à Béthel, et il mit l’autre à Dan. Ce fut là une occasion de péché. Le peuple alla devant l’un des veaux jusqu’à Dan. Jéroboam fit une maison de hauts lieux, et il créa des sacrificateurs pris parmi tout le peuple et n’appartenant point aux fils de Lévi. Il établit une fête au huitième mois, le quinzième jour du mois, comme la fête qui se célébrait en Juda, et il offrit des sacrifices sur l’autel. Voici ce qu’il fit à Béthel afin que l’on sacrifiât aux veaux qu’il avait faits. Il plaça à Béthel les prêtres des hauts lieux qu’il avait élevés.
1 Rois 12.25/32
C’est donc dans ce contexte que l’Éternel va appeler un homme dont nous ignorons tout, y compris son nom, sinon qu’il appartenait à la communauté de Juda.
N’allons surtout pas nous imaginer que ce prophète est parti de chez lui sur un coup de colère : « Ah ! Ils veulent des veaux et des autels ! Je vais te leur en donner, moi ! Ça ne se passera pas comme ça ! Je vais aller les voir, je leur dirai “Ainsi parle l’Éternel… ” »
Laissons-nous plutôt persuader que cet homme avait reçu un appel de Dieu sans lequel il n’aurait pas eu la hardiesse de parler ainsi en présence du roi d’Israël.
Car il s’agit bien d’un appel de Dieu. Celui-ci nous conduit bien souvent là où nous n’avons pas envie d’aller pour y exercer le ministère qui ne nous intéresse pas. Jeunes convertis, nous confondons bien souvent désir de faire et appel de Dieu. J’étais justement nouveau-né dans la foi quand je ressentais le désir de devenir aumônier militaire. Je décidai donc de me rendre à la base aérienne de Bricy, là même où j’avais terminé mon service national, car je pensais y rencontrer des contacts intéressants. Je suis donc parti de chez moi, à Clamart, par un beau et froid matin d’hiver, dans ma vieille Diane Citroën. Non seulement elle laissait passer la pluie et le vent, mais le chauffage était en panne. Cette expédition transbeauceronne prit rapidement une tournure digne de celles du commandant Charcot. Je me suis présenté au poste de garde de Bricy plus transi qu’un amoureux éconduit, les doigts paralysés par le froid. Par malchance, aucune des deux personnes que j’espérais rencontrer n’était présente sur la base. Je suis donc rentré chez moi bredouille et un tant soit peu découragé. Ce n’est pas parce qu’une entreprise commence mal qu’il faut toujours en conclure qu’elle n’est pas dans le plan de Dieu, mais dans ce cas précis, il s’agissait d’un désir de faire, mais pas d’un véritable appel. J’ai rapidement renoncé à ce projet.
À mesure que l’on progresse dans la foi, on sait distinguer les ordres de Dieu de nos désirs.
Notre prophète, lui, avait des certitudes, le Seigneur lui avait donné des directives précises : « Tu iras à Béthel, tu parleras à Jéroboam. » Dieu lui avait donné un ordre de mission, et il savait exactement à quel endroit il devait aller. Non pas comme ce jeune soldat que ses camarades trouvèrent un jour dans une grande tristesse :
« Tu en fais une tête, mon gars ! Qu’est-ce qui t’arrive ?
– Ils m’envoient en Algérie. Voilà ce qui m’arrive !
– En Algérie ? Tu es sûr ?
– Ça pour sûr, j’en suis sûr. J’ai reçu mon ordre de mission.
– Et tu es certain que c’est l’Algérie ? Qu’est-ce qui est écrit sur ton ordre de mission ?
– Je ne sais pas. C’est un nom étranger en tout cas. C’est pas français. Ils m’envoient en Algérie, c’est sûr !
– Fais voir ton papier. »
Le jeune conscrit avait bel et bien reçu l’ordre de faire son paquetage ; destination… Lann-Bihoué.
Pas de frayeur ni de crainte pour nous, soldats de Christ. Quand bien même il nous enverrait dans les contrées les plus hostiles à l’Évangile, nous savons qu’il nous revêt de toutes ses armes. Ainsi le prophète de Juda part en pleine confiance vers une ville qu’il connaît comme une véritable Mecque de l’apostasie.
Nous lisons au verset 9 que cette mission était assortie d’ordres particuliers. Le prophète devait jeûner jusqu’à son retour et regagner son pays par un itinéraire différent de celui du voyage d’aller.
En lisant notre Bible avec les lunettes du doute et du raisonnement, nous pensons être en droit de nous interroger sur le bien-fondé de ces ordres : le prophète a accompli sa mission, pourquoi le Seigneur lui impose-t-il d’autres contraintes qui semblent sans incidence sur la mission elle-même ? Ne s’agit-il pas plutôt de recommandations secondaires ?
Je me souviens d’un pasteur qui annonçait souvent : « Notre frère André va maintenant nous faire chanter un chœur et deux cantiques », ou bien : « Notre frère André va nous faire chanter le cantique n° 271 pendant que le frère untel collectera les offrandes. »
D’aucuns, à ma place, auraient tiré la couverture à eux en dirigeant cinq cantiques d’affilée ; d’autres ne manqueraient pas de le dénigrer : « Notre pasteur freine la liberté du Saint-Esprit ! » Pour ma part, je ne m’en tracassais pas. Qu’est-ce qui me prouvait, justement, que ce n’est pas conduit par l’Esprit qu’il me donnait ces directives si précises ?
C’est ainsi que réagissait notre prophète. Il avait compris que, par ces ordonnances, le Seigneur mettait à l’épreuve la fidélité de son serviteur, fidélité qui doit se manifester dans l’obéissance aux moindres détails.
Le succès de sa mission, les miracles accomplis, l’énorme gifle reçue par le roi Jéroboam ne lui ont pas fait tourner la tête. Le prophète reprend la route sans la moindre collation, suivant l’itinéraire de retour qu’il avait préparé, toujours aussi décidé à obéir à Dieu sans fléchir.
Bien sûr, je prends des risques en disant que le prophète a reçu une vision. Le texte ne le dit pas, mais il est difficile de nous imaginer un prophète sans vision.
Tout chrétien équilibré est capable de comprendre que « la vision » est, en premier lieu, une conviction intime, semée par Dieu dans les cœurs, et qui donne la force de poursuivre sa mission jusqu’au bout, quelles que soient les circonstances, et les moments de découragement qui peuvent survenir.
Toutes les circonstances s’harmonisaient merveilleusement dans la mission de ce prophète. Outre l’appel, les ordres précis et la vision, le Maître va lui donner un signe :
L’autel se fendit, et la cendre qui était dessus fut répandue, selon le signe qu’avait donné l’homme de Dieu, par la parole de l’Éternel. Alors le roi prit la parole, et dit à l’homme de Dieu : « Implore l’Éternel, ton Dieu, et prie pour moi, afin que je puisse retirer ma main. » L’homme de Dieu implora l’Eternel, et le roi put retirer sa main, qui fut comme auparavant. Le roi dit à l’homme de Dieu : « Entre avec moi dans la maison, tu prendras quelque nourriture, et je te donnerai un présent. »
Vs 5/7
C’est ainsi qu’il avait déjà agi envers Moïse quand celui-ci émettait encore quelques doutes sur l’authenticité de sa vocation :
Moïse répondit, et dit : « Voici, ils ne me croiront point, et ils n’écouteront point ma voix. Mais ils diront : L’Éternel ne t’est point apparu. » L’Éternel lui dit : « Qu’y a-t-il dans ta main ? » Il répondit : « Une verge. » L’Éternel dit : « Jette-la par terre. » Il la jeta par terre, et elle devint un serpent. Moïse fuyait devant lui. L’Éternel dit à Moïse : « Étends ta main, et saisis-le par la queue ». Il étendit la main et le saisit et le serpent redevint une verge dans sa main. » C’est là, dit l’Éternel, ce que tu feras, afin qu’ils croient que l’Éternel, le Dieu de leurs pères, t’est apparu, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. »
Exode 4.1/5
Le prophète n’avait donc plus aucune excuse de douter que tout ce qu’il faisait avant, pendant et après son intervention à Béthel était en plein accord avec le plan de Dieu.
Et pourtant ! Pourtant…
Pendant que se déroulent ces glorieux événements, un autre prophète de Béthel, tout aussi anonyme que celui de Juda, se lève.
Un faux prophète, me direz-vous.
Malheureusement non !
Nous avons bien affaire, encore une fois, à un véritable prophète oint de l’Éternel.
Nous lisons au verset 20 :
Comme ils étaient assis à table, la parole de l’Éternel fut adressée au prophète qui l’avait ramené.
C’est donc un homme à qui le message de Dieu est confié personnellement.
Autre détail (vs 11) : il était vieux.
Rassurez-vous, je n’ai rien contre les vieux prophètes ni contre les pasteurs aux cheveux blancs. La jeunesse étant, comme chacun sait, un défaut dont on se corrige un peu tous les jours, les anciens sont généralement de bon conseil. Roboam l’a d’ailleurs appris à ses dépens.
Dans le cas qui nous préoccupe, le jeune prophète, ébranlé soudain par une nouvelle révélation qui contredisait en tout point celle qu’il avait reçue de Dieu lui-même, considéra l’âge de ce prophète comme une garantie.
« C’est un homme qui a de l’expérience, il a certainement raison. J’aurais donc mal compris ce que le Seigneur m’a dit. »
Les chrétiens d’âge mûr et de longue expérience devraient être des soutiens, des conseillers pour les jeunes convertis. Est-ce toujours le cas ?
Nous avons dans la Bible un autre cas de vrai prophète qui s’est ainsi corrompu : Balaam était un prophète qui aimait avant tout l’argent et les honneurs ; c’était un prophète mercenaire.
Balak envoya de nouveau des chefs en plus grand nombre et plus considérés que les précédents. Ils arrivèrent auprès de Balaam, et lui dirent : « Ainsi parle Balak, fils de Tsippor : Que l’on ne t’empêche donc pas de venir vers moi ; car je te rendrai beaucoup d’honneurs, et je ferai tout ce que tu me diras ; viens, je te prie, maudis-moi ce peuple. »
Nombres 22.15/17
L’apôtre Paul a donc bien raison lorsqu’il recommande de juger les prophètes :
Pour ce qui est des prophètes, que deux ou trois parlent, et que les autres jugent.
1 Corinthiens 14.29
Il est clair que, dans ce contexte, ce ne sont pas les prophètes qui ont composé le canon biblique que nous devons juger. Les critiques s’en chargeront bien assez tôt. Il nous est consigné de juger objectivement ceux qui, dans l’église, se disent prophètes, exercent le don de prophétie, ou prétendent avoir des visions. Il est indispensable aux chrétiens de séparer le spirituel du charnel, l’authentique de la contrefaçon.
L’esprit des prophètes – de l’Église – doit être soumis aux prophètes – de la Bible –.
Qu’il est tragique de lire au verset 18 : « Il lui mentait » ! Un prophète ment à un autre prophète. Comment un enfant de Dieu peut-il oser mentir en disant : « Un ange m’a parlé de la part de l’Éternel » !
Il est déjà grave de prendre ses lubies pour des révélations divines et dire à chaque instant : « Dieu m’a parlé, Dieu m’a montré, Dieu m’a dit ! »
« Dieu m’a montré que ce frère a un interdit dans sa vie. C’est que j’ai le don de discernement, vous savez ! »
Que penser alors de ce serviteur de Dieu qui, en toute conscience, ment à son frère dans le seul but de le faire tomber dans un piège mortel ?
Le Seigneur ne manque pas de nous mettre en garde contre de tels hommes :
Je répondis : « Ah ! Seigneur Eternel ! Voici, les prophètes leur disent : Vous ne verrez point d’épée, Vous n’aurez point de famine ; Mais je vous donnerai dans ce lieu une paix assurée. » Et l’Éternel me dit : « C’est le mensonge que prophétisent en mon nom les prophètes ; Je ne les ai point envoyés, je ne leur ai point donné d’ordre, Je ne leur ai point parlé ; Ce sont des visions mensongères, de vaines prédictions, Des tromperies de leur cœur, qu’ils vous prophétisent. »
Jérémie 14.13/14
Je n’ai point envoyé ces prophètes, et ils ont couru ; Je ne leur ai point parlé, et ils ont prophétisé.
Jérémie 23.21
Nous pouvons nous interroger sur les motivations qui ont poussé ce prophète au mensonge et à la trahison.
L’une des raisons que nous pouvons invoquer est la jalousie en regard de la jeunesse :
Inutile de chercher à chiffrer la vieillesse en nombre d’années. On devient vieux quand on commence à dénigrer systématiquement les jeunes.
Il existe des églises où l’on méprise les anciens et où les jeunes ont tous les droits. Il en est d’autres où l’on ne supporte pas les enfants, où l’on accepte, à la rigueur que de jeunes gens se donnent au Seigneur, mais où l’on ne tolère en aucun cas qu’ils se lèvent pour servir.
Je me souviens de cette autre église dans laquelle un diacre, toujours assis à l’arrière près de la porte, avait pour fonction de surveiller les enfants et de coller un « zoc »[1] au premier qui bouge.
Ceux qui entretiennent de telles mentalités n’ont pas même la sagesse de réaliser que leur congrégation fermera ses portes avec l’enterrement du dernier chrétien.
La rivalité politique est une seconde raison que nous pouvons envisager :
Juda et Israël étaient devenus ennemis. Le prophète de Béthel, subitement animé d’un zèle patriotique si intense, s’attendait-il à recevoir la croix de guerre pour avoir mis à mort un citoyen de la cité ennemie ? A-t-il pu oublier à ce point qu’avant de servir Roboam ou Jéroboam, les deux prophètes étaient des soldats du Dieu Éternel ?
Pendant la Première Guerre mondiale, le pianiste autrichien Paul Wittgenstein a eu le bras droit arraché par un éclat d’obus. Sa carrière musicale aurait été irrémédiablement brisée si un compositeur français, Maurice Ravel, n’avait écrit spécialement pour lui son célèbre « Concerto pour la main gauche »[2], une œuvre réalisée de telle manière que l’auditeur a l’impression que l’exécutant joue avec ses deux mains.
Cet épisode n’est-il pas riche d’enseignements ? Si l’amour de la musique a réuni sur une même partition deux pays en guerre, l’amour de Christ ne devrait-il pas produire plus encore ? Comment les chrétiens réagiront-ils à la crise mondiale qui doit incessamment bouleverser le monde, si déjà ils vivent en guerre les uns avec les autres ?
La troisième raison que je vous propose d’examiner est l’hérésie :
Une chose est certaine, ces deux hommes portaient tous les deux la casquette de « prophète de l’Éternel Dieu ». Il est une autre chose dont je suis sûr : lorsque je me présenterai devant Dieu, il ne me demandera pas si je suis catholique ou protestant.
Il est pourtant vrai que l’étiquette peut cacher, sous une appellation glorieuse, une falsification.
Cet homme était-il prophète ? – Sans aucun doute, et malgré sa faute, l’Éternel l’utilise encore au moins une fois.
Plus qu’un politicien du parti de Jéroboam, le prophète de Béthel n’était-il pas devenu un politicien du veau de Béthel ?
Il s’est laissé séduire par cet autel et cette image. Ceux qui se sont détournés de la vérité biblique n’aiment pas qu’on leur rappelle la parole de Dieu. Combien d’évangéliques s’en sont éloignés pour avoir donné la préférence aux penchants de leurs cœurs ! Combien sont ceux qui excommunient leurs propres frères, les accusent d’hérésie alors qu’ils se sont eux-mêmes fourvoyés !
Nous ne pouvons que constater la tragique conséquence de cet état d’esprit : un prophète assassine un autre prophète.
Des pasteurs assassinent leurs brebis. Des brebis assassinent leur pasteur. Des brebis assassinent d’autres brebis. Des pasteurs assassinent d’autres pasteurs. Ils se haïssent, ils s’accusent les uns les autres, ils se font même des procès !
Quel témoignage navrant pour notre Seigneur !
Après s’être copieusement restauré chez son nouvel ami, le prophète de Juda s’apprêtait à reprendre la route. Mais son hôte lui servit un digestif bien amer :
Et il cria à l’homme de Dieu qui était venu de Juda : « Ainsi parle l’Éternel : Parce que tu as été rebelle à l’ordre de l’Éternel, et que tu n’as pas observé le commandement que l’Éternel, ton Dieu, t’avait donné ; parce que tu es retourné, et que tu as mangé du pain et bu de l’eau dans le lieu dont il t’avait dit : Tu n’y mangeras point de pain et tu n’y boiras point d’eau, ton cadavre n’entrera pas dans le sépulcre de tes pères. »
vs 21/22
Cette prophétie ne manqua pas de se réaliser quand sur le chemin du retour, l’homme de Juda fut tué par un lion.
Ce jugement de Dieu envers son prophète pourrait nous paraître excessivement sévère. Après tout, il ne s’agit que d’un jeûne non respecté.
Outre sa désobéissance, et c’est là que nous entrevoyons la gravité de sa faute : il a méprisé la parole de Dieu et tenu pour vaine la révélation que lui avait transmise le Saint-Esprit.
Il a mis dans la balance la parole de Dieu et la parole de l’homme, enveloppée dans un « ainsi parle l’Éternel ! »
La Parole divine lui avait pourtant été donnée personnellement, sans intermédiaire, et avec confirmations.
Quand le Seigneur nous porte un message, il s’adresse d’abord à l’intéressé, ensuite il le confirme par d’autres. Méfions-nous de ceux qui nous disent : Dieu m’a montré que vous devez faire telle chose.
Soyons comme l’apôtre Paul, des chrétiens équilibrés, prudents, et ne nous laissons pas séduire par les personnes aux multiples visions.
Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde, et non sur Christ.
Qu’aucun homme, sous une apparence d’humilité et par un culte des anges, ne vous ravisse à son gré le prix de la course, tandis qu’il s’abandonne à ses visions et qu’il est enflé d’un vain orgueil par ses pensées charnelles, sans s’attacher au chef, dont tout le corps, assisté et solidement assemblé par des jointures et des liens, tire l’accroissement que Dieu donne.
Colossiens 2.8, 18/19
Il croit aussi que Dieu est versatile : le Seigneur s’est trompé quand il m’a parlé la première fois, ou alors, il a changé d’avis.
Ne vous y trompez pas, mes frères bien-aimés : toute grâce excellente et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières, chez lequel il n’y a ni changement ni ombre de variation.
Jacques 1:16/17
S’il n’y a en lui aucun changement, nous pouvons lui faire confiance, il ne changera pas d’avis, puisque sa parole est bonne, une fois pour toutes. Ceux qui se vantent d’avoir de nombreuses visions sont souvent instables. Dieu leur dit mardi le contraire de ce qu’il leur a dit lundi. Et ils piétinent le gazon sans jamais rien semer.
Ne recherchons pas les visions, mais recherchons la vision. Celui qui n’a reçu qu’une seule vision sait où il va, et ne baisse pas les bras quand les circonstances semblent infirmer son appel.
Je vous exhorte, frères, à prendre garde à ceux qui causent des divisions et des scandales, au préjudice de l’enseignement que vous avez reçu. Éloignez-vous d’eux. Car de tels hommes ne servent point Christ notre Seigneur, mais leur propre ventre ; et, par des paroles douces et flatteuses, ils séduisent les cœurs des simples.
Romains 16.17/18
Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l'oeuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ, jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ, afin que nous ne soyons plus des enfants, flottants et emportés à tout vent de doctrine, par la tromperie des hommes, par leur ruse dans les moyens de séduction, mais que, professant la vérité dans la charité, nous croissions à tous égards en celui qui est le chef, Christ.
Éphésiens 4.11/15
[1] “Zoc” : mot créole réunionnais désignant une chiquenaude ou une gifle sur le sommet du crâne.
[2] D’autres compositeur, notamment Prokofiev, ont écrit des concertos pour la main gauche.
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