Chapitre XXV - Repentir
Armée de son arc sur l’épaule et surtout de son courage dans le cœur, Éliséa franchit d’un pas décidé le portail du palais et se campe entre les deux colonnes, face au balcon du roi. Elle pousse un cri d’effroi, ayant compris à qui est destinée la potence dressée au milieu de la cour, puis elle s’efforce de contrôler son émotion.
Elle attend. Les courtisans curieux investissent la cour et chuchotent.
« La reine ! Elle est ici. – Je la croyais bannie. – Mais non ! – Pourquoi ne vient-elle plus ? – Le roi va-t-il l’appeler ? – Que va-t-elle faire ? »
La jeune reine fixe les yeux vers le balcon. Son cœur bondit d’espoir. Elle vient d’y apercevoir la silhouette d’Axel. Il s’approche, appuie ses mains sur la balustrade. Il la regarde longuement, puis tourne le dos et s’éloigne.
« Pourquoi, Seigneur, pourquoi mon époux agit-il ainsi ? » murmure-t-elle des sanglots dans la voix.
Elle hésite. Va-t-elle se décider ?
« Que m’importe la vie ? Après tout, l’amour est banni de mon cœur et si je meurs, c’est pour sauver mon peuple. Courage, Éliséa, courage ! Cette fois-ci, ton arc et tes flèches ne te délivreront pas. »
Elle relève donc la tête et s’engage dans la cour royale. Les témoins de la scène en sont atterrés.
« Elle a osé. – Pauvre reine ! Si jeune et si belle ! – Faut-il que notre roi ait un grain de folie ! – Pas si fort ! Voulez-vous donc être pendu ? »
Sabriana, quant à elle, est animée d’une autre émotion.
« Elle est perdue ! M’en voici enfin débarrassée. J’ai hâte de voir son joli cou sur le billot. »
La vaillante reine a traversé la cour, elle a pénétré dans le corps du palais, elle gravit en courant l’escalier de marbre, bouscule de la main le garde posté devant la porte et se précipite dans la grande salle où l’attend le roi.
« Axel ! lui lança-t-elle sur un ton d’autorité.
– Éliséa !
– Ta loi stupide me condamne à mort, mais avant d’être exécutée, je veux que tu m’écoutes. »
Le roi jeta à terre son sceptre et sa couronne, et se précipita à genoux, enlaçant les jambes de la reine dans ses bras.
« Pardon, ma pauvre reine ! Pardon Éliséa, ma tendre épouse ! Pardonne-moi de t’avoir fait souffrir, pardon de t’avoir trahi. C’est moi qui mérite que tu me tues.
– J’ai un cœur qui pardonne, tu le sais bien ! Qu’as-tu fait d’irréparable pour que je veuille ta mort !
– Sabriana ! » dit-il en pleurs. Il ne put rien ajouter tant les sanglots étouffaient sa voix.
« Sabriana ! Je t’aurais pardonné de m’avoir trompée avec n’importe quelle femme, mais avec Sabriana… Écoute, relève-toi avant que tous nos valets nous découvrent dans cette situation ridicule. Allons dans notre chambre et raconte-moi toute ton escapade dans les détails, après quoi je déciderai si je te pardonne ou non. »
Axel suivit la reine à travers les couloirs du château en baissant la tête comme un enfant puni.
Éliséa écoutant, assise sur le lit, Axel pleurant, la tête entre les genoux de la reine, confessa son aventure, insistant bien sur le fait qu’il en était anéanti par les remords et surtout qu’il n’était pas, ce soir-là, en meilleure possession de ses moyens et qu’il avait donc trompé sa femme sans l’avoir vraiment trompée.
L’épouse frustrée manifesta son pardon en offrant au coupable un long baiser passionné, puis, voyant sa mine dépitée, elle éclata de rire.
« Cette vieille garce n’en a pas eu pour son compte. Elle devait cracher le feu.
– Si tu savais de quels noms d’animaux elle m’a traité ! Rien que des invertébrés. Depuis ce temps, elle me tire une de ces hure.
– Elle devrait savoir comment je traite les sangliers. »
Le couple enfin réconcilié se promit mutuellement de ne plus jamais faire la moindre allusion à cet incident. Leur amour reprenait son cours. Le lendemain matin, ils avaient retrouvé leur tranquillité. Pendant le petit déjeuner, entre deux croissants, Alex dit :
« Avant que je tombe à tes genoux, tu voulais me parler de quelque chose. Demande-moi tout ce que tu voudras. Après avoir reçu ton pardon, je t’accorderai la moitié du royaume, si tu me le demandes, ou quand bien même tu me demanderais d’abdiquer en ta faveur, je le ferais.
– Je n’en réclame pas tant. La faveur que j’attends de toi, c’est que tu me réserves pour une soirée la grande salle de cérémonie, celle dans laquelle on a fêté ton couronnement. Je désire organiser un grand festin.
– Tu veux organiser un festin, et c’est pour un repas de fête que tu as risqué ta vie. Tu n’es décidément pas une femme comme les autres ! Et qui comptes-tu inviter à ce festin ?
– Toi, moi et le prince Wilbur.
– La grande salle de cérémonie pour quatre convives. Tu as vraiment de drôles d’idées ! Enfin, tu fais ce que tu veux, c’est toi la patronne.
– Trois convives. J’invite le prince, cela ne veut pas dire que j’invite la princesse.
– Euh… Oui, au regard des circonstances, je comprends que tu l’aies un peu dans le nez. »
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