26. Un démoniaque délivré, et après ?
Ils abordèrent dans le pays des Géraséniens, qui est vis-à-vis de la Galilée. Lorsque Jésus fut descendu à terre, il vint au-devant de lui un homme de la ville, qui était possédé de plusieurs démons. Depuis longtemps il ne portait point de vêtement, et avait sa demeure non dans une maison, mais dans les sépulcres. Ayant vu Jésus, il poussa un cri, se jeta à ses pieds, et dit d’une voix forte : « Qu’y a-t-il entre moi et toi, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t’en supplie, ne me tourmente pas. » Car Jésus commandait à l’esprit impur de sortir de cet homme, dont il s’était emparé depuis longtemps ; on le gardait lié de chaînes et les fers aux pieds, mais il rompait les liens, et il était entraîné par le démon dans les déserts. Jésus lui demanda : « Quel est ton nom ? – Légion, » répondit-il. Car plusieurs démons étaient entrés en lui. Et ils priaient instamment Jésus de ne pas leur ordonner d’aller dans l’abîme. Il y avait là, dans la montagne, un grand troupeau de pourceaux qui paissaient. Et les démons supplièrent Jésus de leur permettre d’entrer dans ces pourceaux. Il le leur permit. Les démons sortirent de cet homme, entrèrent dans les pourceaux, et le troupeau se précipita des pentes escarpées dans le lac, et se noya. Ceux qui les faisaient paître, voyant ce qui était arrivé, s’enfuirent, et répandirent la nouvelle dans la ville et dans les campagnes. Les gens allèrent voir ce qui était arrivé. Ils vinrent auprès de Jésus, et ils trouvèrent l’homme de qui étaient sortis les démons, assis à ses pieds, vêtu, et dans son bon sens ; et ils furent saisis de frayeur. Ceux qui avaient vu ce qui s’était passé leur racontèrent comment le démoniaque avait été guéri. Tous les habitants du pays des Géraséniens prièrent Jésus de s’éloigner d’eux, car ils étaient saisis d’une grande crainte. Jésus monta dans la barque, et s’en retourna. L’homme de qui étaient sortis les démons lui demandait la permission de rester avec lui.Mais Jésus le renvoya, en disant : « Retourne dans ta maison, et raconte tout ce que Dieu t’a fait. » Il s’en alla, et publia par toute la ville tout ce que Jésus avait fait pour lui.
Luc 8.26/39
Le pays des Géraséniens.
C’est ainsi qu’on appelle les habitants de Gérasa, actuellement Jérash, en Jordanie, l’une des dix villes qui composent la Décapole. Matthieu parle du pays des Gadaréniens. Gadara est aujourd’hui nommée Unn Qeis. Aucune de ces deux villes ne se trouve en bordure du lac de Génésareth. Les auteurs bibliques ne se contredisent donc pas, mais ils se réfèrent à la région (pays), et non pas à la ville « intra-muros ».
La Décapole a été fondée par les Grecs sous le règne d’Anthiochus III. C’est donc une terre païenne enclavée en terre promise. Nous comprenons mieux la présence d’élevage porcin dans cette région.
Jésus débarque donc à Gérasa. Il y rencontre un homme complètement dégénéré, possédé par un démon nommé « Légion ». Une légion romaine se composait de six mille hommes, et l’on peut comprendre que toute cette population devait avoir une incidence néfaste sur le caractère de notre ami dont le nom nous est inconnu. Exclu de la société, il terrorise tout le monde, on l’enchaîne en pure perte, car, tel Samson, il brise ses lourdes chaînes comme un simple crin de cheval.
Seul Jésus n’a pas peur de lui. C’est la Légion qui a peur de Jésus : « Je t’en supplie, ne me tourmente pas. » Jésus menace les démons. Les légionnaires de l’enfer, débusqués, se réfugient dans un troupeau de porcs, chacun le sien, qu’ils noient dans le lac. Le pauvre homme l’a échappé belle, car, tôt ou tard, c’est lui que les démons auraient fini par noyer.
Voilà un événement dont on n’a pas fini de parler dans Landernau.
À Landernau peut-être pas, mais à Gérasa, je suis sûr qu’on en parle encore.
Il a d’ailleurs déclenché deux réactions, l’une négative et l’autre positive.
Tout d’abord, Jésus est chassé du pays de Gérasa : renvoyé comme un malpropre.
D’ordinaire, quand Jésus accomplit un miracle quelque part, il est acclamé, on l’écoute, on le suit partout dans l’espoir qu’il en fasse d’autres, et même, on veut le proclamer roi. Jésus, qui n’est pas en recherche de popularité, demande généralement à ceux qu’il a guéris ou délivrés d’un démon d’en garder le secret, car il ne veut pas qu’on fasse de lui un héros national. D’ailleurs, il sait très bien qu’en dépit de ces recommandations, il serait acclamé partout où il passerait, par une population avide d’interventions spectaculaires, mais pas forcément avide de la parole de Dieu.
Ici, le Seigneur Jésus venait d’accomplir un coup de maître : une légion de démons chassée sur un seul homme. Il me semble que les gens du coin auraient dû l’applaudir et le supplier de rester afin qu’il y produise d’autres miracles.
Loin de là !
« Écoute Jésus, on aimerait vraiment ne plus te voir dans les parages. Tu en as déjà assez fait comme ça ! »
C’est qu’avec Jésus, il y a miracle et miracle. Tant qu’il guérit les malades, qu’il fait marcher les tétraplégiques, entendre les sourds, voir les aveugles, tant qu’il ressuscite les morts, pas de problème, tout le monde est content. Quand il multiplie les pains, c’est encore mieux. Au prix où est la farine ! Dommage qu’il ne multiplie pas aussi les lingots ! Quand il chasse les démons, ce n’est pas mal non plus. Mais cette fois-ci, tout de même, il exagère ! Qu’il aille exercer son don de délivrance ailleurs !
En effet, le gros souci dans cette affaire, ce sont les cochons.
Six mille cochons noyés, pire que les moutons du père Panurge ! Cela en fait des kilomètres de boudin et de chipolatas !
La région de Gerasa va connaître une crise économique à cause de Jésus. Il y a des abattoirs qui vont fermer et des ouvriers qui vont se retrouver au chômage.
Revenons à notre texte : les démons supplient Jésus de ne pas les envoyer dans l’abîme, mais plutôt de les envoyer dans les cochons. Nous pouvons nous étonner que Jésus ait accédé à leur demande. Après tout, ce sont des démons et l’abîme, c’est bien ce qu’ils méritent. Avec la permission du Seigneur, ils entrent dans les pourceaux qu’ils entraînent aussitôt à la mort.
Jésus savait très bien ce qui allait arriver. Trouvons-nous étonnant qu’il ait plus de pitié pour les démons que pour les cochons ?
D’abord, il n’est pas temps de les envoyer dans l’abîme parce que le jugement n’est pas encore venu, mais ils ne perdent rien pour attendre.
Ensuite, et c’est sans doute la principale raison, parce que les porcs sont des animaux impurs. L’élevage porcin peut être considéré comme une marque ostentatoire de désobéissance.
Personne n’a songé à remercier Jésus pour la délivrance opérée. Voilà un homme qu’à notre époque on aurait interné en hôpital psychiatrique. Nous le trouvons maintenant dans son bon sens, il va enfin profiter de la vie. Mais le prix à payer paraît trop élevé. La vie et l’âme d’un être humain sont vraiment peu de chose dans la balance des hommes, quand on a placé les intérêts d’argent sur l’autre plateau.
La mamonite chronique est une maladie dont l’indifférence à la grâce de Dieu est le symptôme le plus évident.
Nous nous trouvons à Philippes, là même où, pour la première fois, Paul et ses compagnons débarquent en Europe. Ils y rencontrent une femme animée d’un esprit de Python.
Je me suis longtemps demandé quel était le lien entre ce Python et le grand serpent d’Afrique.
Dans la mythologie, Python était un dragon monstrueux qui demeurait à Delphes et qui avait un pouvoir de divination. Apollon le pourfendit et devint, de ce fait maître de l’oracle. C’est pourquoi l’oracle de Delphes est appelé Pythie. La servante de Philippes était donc possédée de l’esprit de divination reçu de ce terrible animal.
Comme nous allions au lieu de prière, une servante qui avait un esprit de Python, et qui, en devinant, procurait un grand profit à ses maîtres, vint au-devant de nous, et se mit à nous suivre, Paul et nous. Elle criait : « Ces hommes sont les serviteurs du Dieu Très-Haut, et ils vous annoncent la voie du salut. » Elle fit cela pendant plusieurs jours. Paul fatigué se retourna, et dit à l’esprit : « Je t’ordonne, au nom de Jésus-Christ, de sortir d’elle. » Et il sortit à l’heure même.
Les maîtres de la servante, voyant disparaître l’espoir de leur gain, se saisirent de Paul et de Silas, et les traînèrent sur la place publique devant les magistrats. Ils les présentèrent aux préteurs, en disant : « Ces hommes troublent notre ville ; ce sont des Juifs, qui annoncent des coutumes qu’il ne nous est permis ni de recevoir ni de suivre, à nous qui sommes Romains. » La foule se souleva aussi contre eux, et les préteurs, ayant fait arracher leurs vêtements, ordonnèrent qu’on les batte de verges. Après qu’on les eut chargés de coups, ils les jetèrent en prison, en recommandant au geôlier de les garder sûrement. Le geôlier, ayant reçu cet ordre, les jeta dans la prison intérieure, et leur mit les ceps aux pieds.
Actes 16.16/24
Après avoir été miraculeusement délivrés et avoir eu le bonheur de voir le geôlier sauvé, ainsi que sa famille, Paul et Silas reprennent la route. Paul franchit à nouveau la mer Égée et fait une étape à Éphèse.
Cette fois, c’est un marchand de souvenirs qui le prend à partie. Éphèse est en effet la Mecque du culte de Diane. Ceux qui reviennent de pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle ramènent des coquillages – François Villon a d’ailleurs manqué d’être pendu pour en avoir vendu de faux –, mais ceux qui revenaient de pèlerinage à Éphèse ramenaient une miniature en argent du temple de Diane, fabriqué par Démétrius et ses confrères. C’était une activité fort lucrative.
Quand Paul arrive en ville et commence à annoncer le salut en Christ, Démétrius ne fait pas l’effort de comprendre le message. Tout ce qu’il a compris, c’est que si Paul ne se tait pas, les gens vont devenir chrétiens, et ils n’iront plus au temple acheter ses petits gadgets. Le mot « gadget » vient d’ailleurs de Gaget, un Français qui travaillait à la construction de la statue de la Liberté, et qui en vendait des modèles réduits pour arrondir ses fins de mois.
Il survint, à cette époque, un grand trouble au sujet de la voie du Seigneur. Un nommé Démétrius, orfèvre, fabriquait en argent des temples de Diane, et procurait à ses ouvriers un gain considérable. Il les rassembla, avec ceux du même métier, et dit : « Ô hommes, vous savez que notre bien-être dépend de cette industrie ; et vous voyez et entendez que, non seulement à Éphèse, mais dans presque toute l’Asie, ce Paul a persuadé et détourné une foule de gens, en disant que les dieux faits de main d’homme ne sont pas des dieux. Le danger qui en résulte, ce n’est pas seulement que notre industrie ne tombe en discrédit ; c’est encore que le temple de la grande déesse Diane ne soit tenu pour rien, et même que la majesté de celle qui est révérée dans toute l’Asie et dans le monde entier ne soit réduite à néant. »
Ces paroles les ayant remplis de colère, ils se mirent à crier : « Grande est la Diane des Éphésiens ! »
Toute la ville fut dans la confusion. Ils se précipitèrent tous ensemble au théâtre, entraînant avec eux Gaïus et Aristarque, Macédoniens, compagnons de voyage de Paul. Paul voulait se présenter devant le peuple, mais les disciples l’en empêchèrent ; quelques-uns même des Asiarques, qui étaient ses amis, envoyèrent vers lui, pour l’engager à ne pas se rendre au théâtre. Les uns criaient d’une manière, les autres d’une autre, car le désordre régnait dans l’assemblée, et la plupart ne savaient pas pourquoi ils s’étaient réunis. Alors on fit sortir de la foule Alexandre, que les Juifs poussaient en avant ; et Alexandre, faisant signe de la main, voulait parler au peuple. Mais quand ils reconnurent qu’il était Juif, tous d’une seule voix crièrent pendant près de deux heures : « Grande est la Diane des Éphésiens ! »
Actes 19.23/34
Les incroyants ne sont malheureusement pas les seules victimes de l’aveuglement provoqué par la convoitise de biens matériels.
Viens au plus tôt vers moi ; car Démas m’a abandonné, par amour pour le siècle présent, et il est parti pour Thessalonique ; Crescens est allé en Galatie, Tite en Dalmatie.
2 Timothée 4.9/10
Notons bien que Paul n’a pas dit que Démas a abandonné la foi, il a seulement abandonné l’apôtre. L’amour du siècle présent, l’argent, les honneurs, et les plaisirs l’ont détourné de son ministère et l’ont privé du service utile et béni qu’il aurait pu exercer auprès de Paul.
Antoine Froment (1508-1581) fut l’un des principaux collaborateurs de Guillaume Farel. Le métier de prédicateur, je le reconnais, ne nourrit pas bien son homme. Froment décida, pour améliorer ses ressources, d’ouvrir une petite épicerie à Thonon. Son petit commerce fonctionnait plutôt bien. Il abandonna son ministère pour se consacrer aux affaires. Mal lui en a pris puisque, finalement, il mourut ruiné. On a dit de lui : « Le Froment a tourné en ivraie. »
Mais ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l’amour de l’argent est une racine de tous les maux ; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loin de
la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments.
1 Timothée 6.9/10
En second lieu, nous voyons que Jésus recrute un missionnaire.
D’ordinaire, comme nous l’avons vu, Jésus évite la publicité et recommande à ceux qui ont été guéris de le garder pour eux. En voici un exemple :
Jésus était dans une des villes ; et voici, un homme couvert de lèpre, l’ayant vu, tomba sur sa face, et lui fit cette prière : « Seigneur, si tu le veux, tu peux me rendre pur. » Jésus étendit la main, le toucha, et dit : « Je le veux, sois pur. » Aussitôt la lèpre le quitta. Puis il lui ordonna de n’en parler à personne. « Mais, dit-il, va te montrer au sacrificateur, et offre pour ta purification ce que Moïse a prescrit, afin que cela leur serve de témoignage. »
Luc 5.12/14
Nous avons dit qu’il agissait ainsi envers les Juifs qui n’avaient pas compris sa vocation de Messie. Jésus, lui-même n’apportait la Bonne Nouvelle qu’aux Juifs, l’évangélisation des païens devait commencer après la résurrection, mais il pouvait bien faire une exception à ses propres règles. Dans le cas présent, justement, il opère en terre païenne, et ses directives habituelles n’ont pas de raison d’être.
Plusieurs passages des Évangiles nous montrent que Jésus s’était aussi proclamé sauveur des nations :
Je vous le dis en vérité : « Il y avait plusieurs veuves en Israël du temps d’Élie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois et qu’il y eut une grande famine sur toute la terre ; et cependant Élie ne fut envoyé vers aucune d’elles, si ce n’est vers une femme veuve, à Sarepta, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi plusieurs lépreux en Israël du temps d’Élisée, le prophète ; et cependant aucun d’eux ne fut purifié, si ce n’est Naaman le Syrien. » Ils furent tous remplis de colère dans la synagogue, lorsqu’ils entendirent ces choses. Et s’étant levés, ils le chassèrent de la ville, et le menèrent jusqu’au sommet de la montagne sur laquelle leur ville était bâtie, afin de le précipiter en bas. Mais Jésus, passant au milieu d’eux, s’en alla.
Luc 4.25/30
Qu’est-ce que Jésus n’avait pas dit là !
Les Juifs, entraînés par les pharisiens, l’empoignent pour le précipiter du haut d’une falaise. Et notre Sauveur ne perd pas son sang-froid. Il prend congé en disant : « Pardon, pardon, pardon, excusez-moi… » Je trouve ce passage admirable.
Dans ce discours, Jésus avait seulement fait remarquer qu’au temps des rois, la grâce de Dieu a été, au moins deux fois accordée à des goïm. Ses auditeurs voulaient se convaincre eux-mêmes que Dieu n’aimait que les Juifs. Pourtant, Jésus ne fait ici que citer les Écritures. Ils savent très bien qu’il a raison, et c’est ce qui les énerve encore plus.
L’apôtre Paul, lui non plus, n’a pas échappé à l’aveuglement xénophobe de ses compatriotes :
La foule l’avait écouté jusqu’à ces mots, mais ils se mirent alors à crier : « Fais disparaître de la terre un pareil homme ! Il n’est pas digne de vivre. » Ils poussaient des cris, jetaient leurs vêtements et lançaient de la poussière en l’air.
Le commandant ordonna de faire entrer Paul dans la forteresse et de procéder à son interrogatoire par le fouet afin de savoir pour quel motif ils criaient ainsi contre lui.
Actes 22.22/24
Qu’est-ce que Paul avait dit de si grave ?
Lisons le verset précédent :
Alors le Seigneur m’a dit : « Va, car je t’enverrai au loin vers les non-Juifs. »
Nous voyons aussi Jésus accorder la délivrance à la fille d’une femme grecque, bien que le temps des Nations ne soit pas encore venu.
Jésus, étant parti de là, s’en alla dans le territoire de Tyr et de Sidon. Il entra dans une maison, désirant que personne ne le sût ; mais il ne put rester caché. Car une femme, dont la fille était possédée d’un esprit impur, entendit parler de lui, et vint se jeter à ses pieds. Cette femme était grecque, syro-phénicienne d’origine. Elle le pria de chasser le démon hors de sa fille. Jésus lui dit : « Laisse d’abord les enfants se rassasier ; car il n’est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens. – Oui, Seigneur, lui répondit-elle, mais les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des enfants. » Alors il lui dit : « À cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille. » Et, quand elle rentra dans sa maison, elle trouva l’enfant couchée sur le lit, le démon étant sorti.
Marc 7.24/30
Cette grâce de Dieu accordée aux païens, les pharisiens ne l’ont jamais comprise ni acceptée, tandis que les disciples de Jésus ne l’ont comprise que bien plus tard. Il a fallu que le Seigneur montre à Pierre, à trois reprises, une nappe remplie d’animaux pas cacher du tout.
Pour en revenir à l’homme qui a été délivré, il est indéniable que sa vie a été immédiatement transformée :
Ils vinrent auprès de Jésus, et ils virent le démoniaque, celui qui avait eu la légion, assis, vêtu, et dans son bon sens ; et ils furent saisis de frayeur.
Marc 5.15
Les conversions ne sont pas toujours aussi spectaculaires. Quelquefois, il faut du temps à un homme pour changer de vie, mais cela n’enlève pas de valeur à son expérience. Notre ami est né de nouveau, il est devenu un homme nouveau. Pour lui :
Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles.
2 Corinthiens 5.17
Et cette nouvelle créature, le cœur rempli d’une joie surnaturelle, éprouve un violent désir de le servir. Et pour lui, la meilleure façon de servir Jésus, c’est d’être avec lui et de l’accompagner dans son ministère :
« Moi aussi, Seigneur, je veux te suivre, je veux devenir apôtre, je veux guérir les malades et chasser les démons, comme tes disciples. D’ailleurs, maintenant, je sais comment on fait. »
Moi aussi, quand j’ai donné mon cœur à Jésus, j’ai voulu le servir, et j’ai cru que pour servir, il fallait que je devienne pasteur à plein temps, ou que je parte en mission à l’étranger. Je suis donc allé dans une école biblique, ce que je ne regrette pas, et j’ai frappé à ces deux portes, avec insistance. Aucune d’elle ne s’est ouverte, et j’en ai bien sûr ressenti de la frustration. Mais maintenant que mon ministère est dans mon album photo, je réalise combien Dieu m’a béni dans un service bénévole, au milieu des épreuves et des difficultés. Combien de fois ai-je dit, comme Jérémie : « Je ne parlerai plus en son nom ». (Jérémie 20.9) Et pourtant, même dans les années de désert, j’ai été encouragé.
Et puis, quand je voulais être pasteur, je croyais d’abord que c’était un métier facile dans lequel on passe la semaine à préparer le sermon du dimanche. Quand je voulais partir à l’étranger, n’avais-je pas aussi besoin de voir du pays, de changer d’air ? J’en avais assez des églises françaises.
C’est certainement ce qui se passait dans le cœur de notre ami. Le projet était bon, mais ses motivations l’étaient un peu moins. Il s’était dit qu’en suivant Jésus dans tous ses déplacements, il serait aux premières loges pour voir des miracles.
« Pourquoi veux-tu aller avec moi, mon ami ?
– Parce que je veux te servir, Seigneur.
– Alors, si tu veux vraiment me servir, retourne dans ta maison, et raconte tout ce que Dieu t’a fait. »
Certainement déçu en entendant cette parole, il n’a pas tardé à comprendre que le choix de Jésus a été le meilleur pour lui, mais pas le plus facile.
Mais je vous le dis en vérité, aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie.
Luc 4.24
Prêcher la bonne parole dans son propre village, ce doit être, au contraire, une tâche aisée, me direz-vous. Quand les gens ont tous été témoins de la transformation radicale de cet homme, ils ne peuvent qu’accepter Jésus. C’est compter sans l’aridité du cœur de l’homme.
Tout d’abord, cette délivrance reste liée au souvenir d’une grande perte matérielle.
« Tout cela ne serait pas arrivé si ce gars était resté avec sa légion de démons. D’ailleurs, nous maîtrisions la situation. Il suffisait de ne pas l’approcher. »
Quant à sa transformation, ce n’est pas cela qui intéresse les gens ; c’est de son passé qu’ils se souviennent.
Ah ! Notre passé !
Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous enseignes !
Jean 9.34
Le responsable d’une association était un jour venu visiter mon lieu de travail pour nous parler des méfaits de l’alcool. Il nous disait :
« Voilà plus de quinze ans que je ne bois plus, mais pour mes voisins, je suis toujours le poivrot du quartier. »
Je me souviens de ma tante qui, avec une infinie persévérance, racontait dans de longues lettres à mes parents, encore inconvertis, comment Jésus l’avait sauvée.
« Quand on sait la vie qu’elle a menée dans sa jeunesse… C’est l’hôpital qui se moque de la charité ! »
Mes parents aussi bien que moi-même, ont pourtant bien été forcés de reconnaître que ce n’était pas du baratin mystique. La vie de la tante était réellement changée. Elle était devenue une servante de Christ.
Qu’on veuille l’admettre ou non, les faits sont péremptoires :
Il répondit : « S’il est un pécheur, je ne sais ; je sais une chose, c’est que j’étais aveugle et que maintenant je vois. »
Jean 9.25
Le ministère d’implantation est un ministère ingrat. D’abord, il faut désherber le terrain, enlever toutes les pierres, il faut labourer. Ensuite, il faut semer, arroser et prier pour que ça pousse. Et quand ça pousse enfin, vous êtes comme Zangra, dans cette chanson de Jacques Brel, trop vieux général, et l’ennemi est là, vous ne serez pas héros. C’est un jeune ministère qui récoltera le fruit de votre labeur, et vous irez à la retraite, mais vous serez heureux, parce que vous êtes rempli de l’Esprit-Saint et vous avez bien compris où est l’intérêt du Seigneur.
J’ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître, en sorte que ce n’est pas celui qui plante qui est quelque chose, ni celui qui arrose, mais Dieu qui fait croître. Celui qui plante et celui qui arrose sont égaux, et chacun recevra sa propre récompense selon son propre travail.
1 Corinthiens 3.6/8
Le ministère de cet homme est-il moins important que celui des apôtres ? Celui qui colle des affiches pour la venue d’un missionnaire est-il moins important que le missionnaire lui-même ?
Les missionnaires français en Afrique, au début du siècle dernier, tout comme aujourd’hui bon nombre de missionnaires américains en Europe, ont commis la même erreur : confondre mission et colonisation, vouloir importer en terre de mission la culture de leur pays. Dans la Décapole, il ne sera pas nécessaire d’envoyer des missionnaires juifs à cette population plus ou moins grecque. Il sera beaucoup mieux placé qu’un étranger pour connaître les manières de vivre et de penser, ainsi que les besoins spirituels de sa propre ethnie.
L’entrée d’un pécheur dans la vie nouvelle suscite généralement des réactions négatives.
« Et bien alors ? Tu n’es plus catholique ? Qu’est-ce que c’est ta nouvelle religion ? »
« On t’aimait mieux avant. On s’amusait bien quand on sortait ensemble. Maintenant tu ne bois plus, tu ne fumes plus, tu ne racontes plus d’histoires obscènes. Tu ne parles plus que de ton Bon Dieu. Tu es vraiment devenu barbant. »
Ces réactions se soldent souvent par la perte d’amis, des ruptures familiales, des relations de travail difficiles, voire des persécutions.
J’ai connu ces moments, souvent aggravés par ma maladresse, quand je voulais témoigner de ma foi.
Une fois ce pénible cap franchi, le témoin de Christ, ayant mûri, devient un outil efficace pour propager la foi, qu’il parle ou qu’il se taise, qu’il reste dans son village ou qu’il soit conduit aux antipodes.
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