V
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À l’heure convenue, Ludivine, rassérénée, assise sur un banc public attend sa rivale qui est en train de devenir son amie. La voici, justement, ponctuelle. La discussion peut commencer.
« C’est moi qui ai écrit ce billet, et je l’ai glissé discrètement dans ta poche.
– Toi ?
– Oui, je sais des tas de choses sur ce gars-là. Quand j’ai su que vous vous rencontriez régulièrement, j’ai compris que tu étais en danger. J’ai voulu t’avertir.
– Mais pourquoi tant de mystère ? Tu ne pouvais pas m’adresser un message un peu plus clair ?
– Si j’avais écrit : “Ludivine, méfie-toi de Christophe, signé Ghislaine,” est-ce que tu m’aurais crue ?
– Non, je le reconnais. J’aurais mis cela sur le compte de la jalousie.
– Voilà un point d’éclairci. Maintenant, venons-en à ce qui s’est passé en forêt. Je savais que Christophe t’avait emmenée dans sa voiture, alors j’ai sauté sur mon scooter, je me suis cachée derrière un grand chêne et j’ai attendu. J’ai vu la Jaguar s’arrêter au bout de la drève. Je t’ai entendu crier, je t’ai vu t’enfuir, c’est alors que je suis intervenue. Bondissant de ma cachette, j’ai lancé ma jambe au travers des siennes. Il s’est étalé sans comprendre ce qui lui arrivait. Pendant qu’il rampait dans la poussière, je me suis assise à califourchon sur son dos. J’ai formé un marteau en joignant mes deux poings, comme ça, et je te l’ai tamponné jusqu’à le mettre KO. Ensuite, je lui ai pris sa ceinture et je lui en ai lié les poignets derrière le dos. Et puis, j’ai dégonflé un pneu de la Jaguar.
– Comment il a fait pour rentrer chez lui ?
– Il s’est débrouillé. Quant à moi, j’ai couru dans la forêt jusqu’à ce que je t’aie trouvée.
– Tu n’es pas en train de me raconter des histoires ?
– Je te supplie de me croire. Je te dis la vérité. »
Ce récit est invraisemblable, mais Ludivine était disposée à faire confiance à sa camarade.
« Il y a tout de même quelque chose qui m’échappe : c’est ce fameux “par hasard”. Comment pouvais-tu savoir où et à quel moment cela arriverait ?
– Je ne peux pas l’expliquer. J’ai été conduite par mon instinct, une sorte de sixième sens… à moins que j’aie été dirigée par Dieu.
– Par Dieu ? Mais… tu n’es pas croyante !
– Qui sait, petite Ludivine, qui sait ?
– Je comprends de moins en moins.
– Il m’est arrivé quelque chose d’extraordinaire, dimanche dernier. Comment te dire ? Ça s’est passé dans le fond de mon cœur. Tu sais, je suis en train de changer. Je te demande pardon pour mon orgueil. Je ne t’appellerai plus “mère Noël”. Je ne me moquerai plus de toi parce que tu es nulle en EPS. Mon cœur était dur comme la pierre et il s’est transformé en cœur de chair.
– Tu es sûre que ça va bien, toi ?
– J’ai envie de te parler de tout ça. Passe à la maison mercredi à l’heure du goûter. »
Les deux ennemies réconciliées parlèrent encore de leur incroyable expérience.
« Cette fois-ci, dit Ghislaine, je n’ai pas couru dans le stade pour de futiles lauriers, j’ai couru dans les bois pour t’arracher aux dents du loup.
– Du loup ! s’écria Ludivine. J’ai enfin compris ! PCR : Petit Chaperon Rouge, GML : Grand Méchant Loup ! »
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