Chapitre V - O’Marmatway
Et puisque nous aimons tant voyager, transportons-nous maintenant dans notre pauvre pays de France, dans la banlieue nord-ouest de Paris, plus précisément à Taverny, plus précisément encore, au collège Georges-Brassens, à l’heure où nos chères têtes blondes quittent les cours. Non, justement, c’est une tête rousse qui se dirige vers le parc à vélo, une fille à la longue chevelure éblouissante et ondulée.
Dans la rue, face à l’entrée du collège, stationne une Jaguar noire aux vitres teintées. Le conducteur tient à la main une photographie, son passager, armé d’une efficace paire de jumelles, observe les collégiens, et surtout les collégiennes. Ses lentilles capturent justement la jeune fille aux longs cheveux rouges qu’elle dissimule dans son blouson et sous son casque avant d’enfourcher son scooter et de s’engager sur la chaussée.
« C’est elle. Allons-y ! »
La voiture noire se dégage de son créneau avec maestria et se lance à la poursuite du véhicule à deux roues. Dans une rue déserte, elle percute le scooter. Déséquilibrée, l’adolescente, heureusement protégée par son casque, roule à terre. L’homme aux jumelles se précipite sur elle, l’empoigne et s’engouffre avec elle sur la banquette arrière. La Jaguar démarre à grands cris de pneus, abandonnant l’engin renversé sur l’asphalte.
La jeune fille se débat comme une lionne entre les bras de son ravisseur. Dans sa lutte désespérée, elle lui envoie un bon coup de coude dans les incisives. Il pousse un cri de douleur.
« Efpèfe te petite pefte ! Tu fas me payer fa ! »
Un mouchoir imprégné de chloroforme eut rapidement raison de la résistance de la pauvre fille qui s’engloutit dans le sommeil.
Nul ne saurait dire combien de temps circula la Jaguar sur les autoroutes de France et d’Allemagne, ne s’arrêtant que pour permettre un changement de conducteur, emportant vers une destination inconnue l’enfant, toujours dans les bras de Morphée.
Quelques gifles la tirèrent enfin de sa torpeur.
« Allez ! Tepout, fale petite fipie. On est arrifé.
– Où sommes-nous ?
– Tu n’as pas pevoin te le favoir. Le krand patron t’attend. Tu fas paffer un fale quart t’heure. »
La jeune fille, entraînée hors de la voiture, recommença à se débattre. L’homme aux dents cassées la gifla.
« Tiens ! Prend fa ! Fa va te calmer, petite mévère ! »
Empoignée par les deux bras, elle fut poussée en avant, sans aucun ménagement, du garage jusqu’à l’intérieur d’une luxueuse villa où l’attendait un homme, confortablement calé dans un fauteuil de cuir.
« On a fini par l’afoir, Patron, mais fa n’a pas vété une finécure. Elle f’est pattue comme une tikreffe. Elle m’a caffé au moins trois tents.
– Touvours, pardon, toujours fidèle à elle-même. Bien ! Laissez-moi seul avec la tigresse, Helmut, que je lui coupe les griffes. »
Le sbire prit congé, le mystérieux personnage contemplait l’adolescente effarouchée.
« Comme on se retrouve, Mademoiselle Duval ! »
Zoé redressa la tête et lui décocha un sourire narquois :
« Quelle bonne surprise, Monsieur Thanatos ! »
L’homme ainsi interpellé éclata de rire :
« Thanatos est mort. Tu devrais le savoir, puisque c’est toi-même qui l’as tué, et à mains nues, ce qui est tout à ton honneur.
– Alors, qui êtes-vous, puisque vous n’êtes pas Thanatos ?
– Je suis Franck O’Marmatway, et je suis venu venger Thanatos et poursuivre son œuvre, et ma vengeance commence par toi qui as osé le défier.
– Non seulement je l’ai défié, mais je l’ai vaincu. Où sommes-nous ?
– À Vienne.
– Vienne sur le Rhône ?
– Non, Vienne sur le Danube. Je suis entré dans le monde des ténèbres par la Loire, et j’en suis sorti par le Danube.
– Donc, vous êtes Thanatos.
– Ne prononce pas ce mot devant moi. Thanatos est un être bien faible pour avoir été battu par une fillette. J’ai honte de lui. Mais cette fois, personne ne pourra m’empêcher d’établir mon royaume sur le monde entier, sûrement pas toi qui n’es qu’un moineau entre mes doigts.
– Ne triomphe pas si vite. Mon seul regret, c’est de ne pas avoir pu te ressusciter pour te rosser une seconde fois. La guerre continue, Thanatos.
– O’Marmatway ! » hurla l’homme, assénant à la pauvre fille un coup de poing qui la fit basculer avec sa chaise. Puis il appela Helmut et lui donna l’ordre de la menotter et de l’enfermer dans la cave.
« Et méfie-toi de cette vipère. Elle est dangereuse.
– Ve fais, Patron, ve fais… »
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