Neuvième tableau

Décor du second tableau

MACHA – IVAN IVANOVITCH

IVAN IVANOVITCH

M’aimes-tu, Macha ?

MACHA

                                 Ivan, oui, je t’aime.

IVAN IVANOVITCH

Jusqu’à m’épouser ?

MACHA

                                 Terrible dilemme !

Je ne t’épouse pas, Ivan, je ne le puis.

IVAN IVANOVITCH

Tu as brisé mon cœur, maintenant tu me fuis.

MACHA

Un terrible secret, il faut que je le dise…

IVAN IVANOVITCH

Un secret ? Moi aussi, une énorme sottise.
Je ne pourrai jamais t’épouser, Marouchka.
Accident de jeunesse !

MACHA

                                  Faut-il en faire cas ?

IVAN IVANOVITCH

Un instant de folie.

MACHA

Un instant qu’on oublie.

J’ai pour ma part une action sur le cœur
Le doigt de ma conscience, accusateur…

Quel fardeau ! Aimons-nous ! Dure peine !
Un passé si cruel ! Lourdes chaînes !

Il faut tout avouer,
Tu ne peux m’épouser,
Une entrave me lie,
Esclave pour la vie.

IVAN IVANOVITCH

Confie-moi ce secret.

MACHA

                                   Dis-moi le tien d’abord.

IVAN IVANOVITCH

Rude confession, triste confiteor :

Par une nuit glaciale, une nuit de tempête
Je m’étais égaré et j’en perdis la tête.

Tu ne pardonneras jamais ;
Fallait-il qu’un esprit mauvais

Me privant de raison, qu’un démon me saisisse !

Je cherchais pour abri quelque édifice,
Le bourg perdu s’appelait Garovno

Ou Bardino, non, Jadrino.

MACHA

Jadrino ! Seigneur ! Est-ce possible ?

IVAN IVANOVITCH

J’y trouve pour refuge en cette nuit terrible

Une église de bois
Surmontée d’une croix.

Il y fait sombre, il y fait froid.

Juste un peu de tiédeur pour mes doigts engourdis.

Dans mon cœur quelle perfidie !

Je convoite une fille éplorée sur un banc ;

Le fiancé perdu dans la neige, elle attend.

Le pope m’interpelle :
« Entrez dans la chapelle ;
Vous avez tant tardé ! »
Il dit à cette belle :
« Voici votre accordé. »
On aurait dit un ange.
Quiproquo bien étrange !

Je me suis amusé de ce malentendu :

À ce funeste jeu mon esprit s’est vendu.

J’ai dit « oui ». Elle fuit, éperdue

Et me voici lié au bras d’une inconnue.

Je ne puis t’épouser, cela m’est défendu.

MACHA

Jadrino, le bourane, ce matin dans le froid !

Tu ne me reconnais ? Ainsi donc c’était toi ?

 

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