Chapitre XXIII - Thanatos déprimé

Thanatos, lui aussi, pleurait comme un saule.

Allongé sur son lit, la face contre l’oreiller, il se secouait tant et plus. Laure, assise sur son dos et lui caressant les épaules, tentait en vain de le consoler.

« Allons, allons, mon gros lapinou d’amour. Ce n’est pas le moment de nous faire une grosse déprime. Qu’est-ce qu’on va devenir, là ? Et puis, ce n’est pas cette grande luciole qui va te mettre dans des états pareils. Tu en as brisé de plus solides, tout de même !

« C’est ma prophétesse, Édith d’Honck-Voullabah, qui me l’a prédit. Ses prophéties se réalisent toujours. Je serai vaincu par la grosse luciole.

– Mais comment veux-tu qu’elle s’y prenne ?

– Je ne sais pas, mais c’est elle qui me tuera. Si seulement je devais mourir au combat contre un adversaire à ma taille, mon honneur serait sauf. Mais contre cette fillette qui doit peser trente-cinq kilos en armure avec le heaume et le bouclier ! Que va-t-on penser de moi ? »

Il se remit à pleurer, Laure se remit à le caresser.

« Veux-tu que je te fasse écouter un peu de musique ?

– Oh oui ! Même beaucoup. Je ne vois que ça pour me soulager. »

Laure saisit la télécommande et programma en boucle l’intégrale de Scriabine.

L’humeur de Thanatos glissa du désespoir à la mélancolie, de la mélancolie à la tranquillité, de la tranquillité à la gaîté, de la gaîté à l’euphorie, et de l’euphorie à l’extase. Le médecin s’était soigné par sa propre médecine.

« Tu as raison, mon choubichoubiquet d’amour. Je suis le grand Thanatos, l’empereur de Ligérie, le créateur de l’univers, et bien plus encore. Je vais te lui donner une bonne fessée, à cette chipie. Elle va s’en souvenir. Elle ne pourra plus s’asseoir pendant trois mois. On va voir ce qu’on va voir ! C’est toi le général en chef, rassemble toute l’armée. Demain, nous franchirons la Loire et nous envahirons la Sologne. Nous raserons ce qui reste du château de Chambord. Plus une seule pierre. J’écraserai sous ma botte ce batracien qui ose narguer ma puissance. Quant à cette petite peste, je la veux vivante, pieds et poings liés. Je lui raserai la tête moi-même.

– Fais gaffe de ne pas te brûler, mon canard. »

Puis elle reprit :

« Ça me fait plaisir de te voir remonté, mon gros nounours. Et puisque tu veux te passer les nerfs sur la petite luciole, moi je voudrais bien passer les miens sur le blondinet. Tu vas le protéger encore longtemps, celui-là ?

– Non, je n’ai plus besoin de lui. Tu peux en faire ce que tu veux.

– Ça ne va pas traîner ! Depuis le temps que je veux le transformer en pâtée pour mon chien !

– Attends encore un petit peu que la bataille soit finie.

– Mais s’il se fait tuer, je n’aurai plus rien à faire.

– Je vais lui programmer la cervelle pour la bataille, en sorte que c’est lui-même qui tuera sa petite amie, la belle Félixérie.

– Ça, c’est génial ! Après la torture morale, il va connaître la torture tout court. »

 

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