II
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Ludivine n’aime pas le sport, encore moins à l’école. C’est toujours pour elle une occasion de dévoiler, devant ses camarades, la médiocrité de ses performances. Or, il est programmé, ce vendredi, une course d’endurance, l’épreuve qu’elle redoute le plus. Les pieds mal calés dans ses blocs de départ, elle regarde avec appréhension le large dos de son ennemie intime. Le coup part. Premier tour de piste, Ghislaine a déjà pris la tête. La victoire lui est assurée. Deuxième tour, troisième tour… Ludivine se fait dépasser par Ghislaine. Elle a déjà un tour de retard. Son objectif n’est pas de gagner la course, ni même de ne pas arriver la dernière. Son seul souhait, c’est de courir jusqu’au bout. Enfin, c’est le sprint final pour Ghislaine qui franchit la ligne d’arrivée sous les applaudissements de ses camarades. Ludivine court toujours, le corps baigné de sueur, le souffle court, torturée par un point de côté, elle voit sur la pelouse sa rivale qui bondit comme un kangourou, brandissant les poings vers le ciel à la manière d’un boxeur qui vient de mettre K.O. son adversaire.
Le professeur et quelques élèves encouragent l’infortunée sportive avec un air compatissant :
« Allez Ludivine ! Encore un petit effort ! »
Ghislaine l’encourage aussi, à sa manière :
« Alors ! Petite mère Noël, ça manque de nerf, tout ça ! Remue-toi un peu les guiboles, que diable ! »
Ludivine enrage :
« Elle peut toujours se ficher de moi, elle n’a aucun mérite avec ses longues jambes ! »
Son martyre s’achève enfin. À bout de forces, elle tombe sur ses genoux, pratiquement aux pieds de Ghislaine.
« Eh bien ! Ça n’a pas été sans mal ! Tu as vu comme tes jambes sont maigres ? Pas étonnant que tu ne saches pas courir. Veux-tu que je sois ton entraîneuse ? Si je te prends en main, je ferai de toi une vraie championne.
– Me prendre en main ? Non, ne me touche pas, tu me salirais.
– Comme tu voudras. »
Encore une mauvaise journée pour Ludivine ! Une fois de plus, la grande perche l’avait humiliée devant toute la classe.
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Un mystère plane toujours dans son cœur sur les initiales de Ghislaine : Ghislaine M. Leduc. Elle est toujours convaincue que ce ou cette redoutable GML ne peut être aucune autre. Ghislaine Marie, Ghislaine Myriam, Ghislaine Marianne ? Elle veut à tout prix le savoir. Dans l’attente d’une réponse, elle affuble la grande chipie d’un surnom dont elle n’use jamais en public, craignant que cette irrévérence lui tombe dans l’oreille et qu’elle lui demande des comptes : mademoiselle GML, ou Géhèmelle. Obsédée par ces trois lettres, elle va jusqu’à changer son adresse de messagerie, gmail lui rappelant cette fille qu’elle aimerait tant oublier.
C’est le mercredi suivant la défaite de Ludivine sur le stade que doit avoir lieu un évènement sportif attendu de tous les élèves : un tournoi de basket opposant le collège Anatole France au collège Paul Éluard. Avec un pilier tel que Ghislaine Leduc, qui a tendance à confondre un peu le basket avec le rugby, ses camarades sont déjà certains d’une brillante victoire. Ludivine se tient dans les tribunes. Personne ne veut jamais d’elle dans son équipe. Elle ne court pas assez vite, elle ne saute pas assez haut. Bien servie par sa grande taille, Ghislaine additionne les paniers pour la gloire de son collège. Alors que tout le monde a les yeux fixés sur elle, la petite blonde maigre se lève discrètement et gagne les vestiaires. D’un pas hésitant, elle se dirige vers le casier de la jeune athlète. Il n’est pas cadenassé. S’étant bien assurée qu’elle est seule, elle y plonge la main, en tire un sac à dos. Sa main tremble, se figurant avec raison que si l’autre la surprenait à fouiller dans ses affaires, elle lui casserait magistralement la figure. À force de fouiller, elle trouve ce qu’elle cherche : une carte d’identité. Voilà pourquoi, elle si peu vaillante, prend tant de risques à jouer les espionnes. Elle veut à tout prix connaître le nom complet de Géhèmelle :
Nom : Leduc
Prénoms : Ghislaine, Geneviève
« Ce n’est pas possible ! Me serais-je trompé depuis le début ? Mais non ! Il doit bien y avoir une clé. Je veux la trouver. »
Elle remet précipitamment le casier en ordre et se dirige vers la tribune. Elle a bien fait de se hâter, car c’est déjà la mi-temps.
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La grande dort d’un profond sommeil hanté de beaux rêves, elle rêve de stade, elle rêve de ballon, elle rêve de gloire. Elle a encore gagné, elle monte sur la première marche du podium. Un jeune homme lui apporte un magnifique bouquet de fleurs, un autre lui passe au cou la médaille d’or. Sur cette médaille, il est gravé :
« Aujourd’hui, si tu entends sa voix, N’endurcis pas ton cœur. »
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