Chapitre IX - L’Alliée
Sigur monta dans l’autocar qui le ramena à Arklow. Le soir, à l’auberge de jeunesse où il avait établi ses quartiers, il réfléchissait. Tant de choses le préoccupaient !
D’abord cette malédiction des rivières noires à laquelle la Syldurie avait échappé. Il était évidemment le seul capable d’établir un lien entre ces eaux troubles et le géant vaincu de Ligérie.
Ensuite, le moyen de faire venir sa douce Félixérie. Il s’ennuyait trop sans elle ! Et d’ailleurs, il avait le fort sentiment qu’elle et lui faisaient partie d’un plan qu’il ne comprenait pas encore.
Enfin, il y avait cette amie inconnue, cette alliée précieuse dont Zoé avait si vaguement parlé. Elle pourrait les aider tous les deux, mais de quelle manière ? Si déjà elle pouvait faciliter la venue de Félixérie !
Non, décidément, Zoé en avait trop dit, ou trop peu. Elle l’avait laissé dans l’ignorance. Pourquoi ne lui avait-elle pas donné le nom de cette inconnue ? Que lui aurait-il coûté de fournir un indice ? Devrait-il fouiller toute la Syldurie et interroger tous les habitants pour la trouver ?
« Eh bien ! Finit-il par conclure, le mieux c’est de poser la question à Zoé. »
Il composa son numéro, mais n’obtint pas d’autre réponse que l’annonce du répondeur. Après trois ou quatre tentatives, il lui laissa un message :
« Zoé ? C’est Sigur. Tu vas bien ? Voilà, je suis à Arklow, en Syldurie. Il se passe de drôles de choses. J’aimerais rencontrer cette femme dont tu nous avais parlé. Tu nous avais dit que ce serait une aide précieuse. Tu t’en souviens ? Tu peux me rappeler ? Bisous. »
Sigur espérait un appel de Zoé, mais elle ne répondit pas. Le lendemain, il décida de lui envoyer un courriel de la même teneur. Une nouvelle journée s’était écoulée, Zoé n’avait toujours pas répondu.
« Elle doit être en vacances. Il va falloir me débrouiller sans elle ! »
Rapidement remis de sa déception, Sigur reprit sa vie paisible d’estivant. Il lui restait une bonne semaine, mais il ne voulait pas rentrer chez lui sans avoir vu cette mystérieuse complice.
Comme il achetait quelques souvenirs et qu’on lui rendait la monnaie, il examina le billet de vingt couronnes qu’il s’apprêtait à empocher. Ses yeux s’attardaient sur l’effigie de la souveraine.
« C’est une jeune reine qui dirige ce pays. S’il y a un mystère en Syldurie, c’est elle que ça regarde… Et si c’était elle, la reine Lynda, notre fameuse alliée ? »
L’idée poursuivait son chemin dans l’esprit de Sigur, de plus en plus obsédante :
« Les Syldures ont de la chance d’avoir une aussi jolie reine. Il faut absolument que je la rencontre. »
La place Royale, investie de touristes, devint le lieu favori de ses promenades. Il passait des heures devant ses grilles noir et or qui lui rappelaient la place Stanislas.
« Encore faudrait-il qu’on me laisse entrer ! Il doit y avoir toute une garnison là-dedans. Ils vont me poser des tas de questions. Qu’est ce que je vais leur dire ? »
Sigur revint le lendemain, il poursuivait ses allées et venues devant les grilles. La lutte intérieure entre le désir de rencontrer la reine et la crainte d’être éconduit s’intensifiait d’heure en heure.
« Tu ferais mieux de laisser tomber, on va te virer à coup de hallebarde.
– Non, décidément, c’est elle et personne d’autre. Il faut que je lui parle. »
Il prit enfin sa décision, gonfla ses poumons et se dirigea vers le poste de garde.
« Euh… bonjour… je désirerais obtenir une entrevue avec la reine… »
Le soldat décrocha le téléphone. Aussitôt, un officier apparut et invita Sigur à le suivre dans son bureau.
« Je suis le capitaine Borowitch, chef de la garde royale.
– Asseyez-vous. – Puis-je voir vos papiers d’identité ? »
Sigur tendit son passeport.
« Bien, bien, bien… Leuret, Sigur… nationalité française… cela me parait en ordre. Donc vous voulez une entrevue avec la reine. Puis-je en connaître l’objet ?
– C’est… c’est très personnel.
– Je suis désolé, mais je ne pourrais pas vous introduire auprès d’elle si je n’ai pas de motif précis. Nous avons des règles de sécurité à respecter, vous comprenez ? D’autre part, elle est en voyage à l’étranger et ne sera de retour que dans deux ou trois jours. Si votre demande est urgente, je puis vous obtenir un rendez-vous avec la princesse Éva, mais il me faut un motif.
– Non, non, je suis désolé, mais je ne puis parler qu’à la reine Lynda, en personne.
– Dans ce cas, et puisque le motif de votre demande doit rester confidentiel, ce que je comprends, je vous conseillerais de lui adresser un courrier, lui demandant de vous accorder cette entrevue, en lui précisant toutes les raisons. Je dois toutefois vous prévenir que votre lettre passera dans les mains du service de communication.
– Bien, je procéderai donc ainsi. Au revoir, Capitaine. »
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