Acte III
Même décor
Scène Première
KÉZIA (en robe de mariée) – LÉMETH
LÉMETH
Ma fille, vous avez par la persévérance
Reçu le don du ciel selon vos espérances.
Vous avez combattu au nom de votre amour,
Cet amour qui renverse et murailles et tours.
C’est cette passion qui vous rend courageuse.
Vous que j’ai rencontrée si rebelle et frondeuse,
Vous voilà devenue belle-fille du roi.
Comme il vous a fallu de vaillance et de foi !
Mais vous voici reçue dans ma noble famille,
Bergère sans blason, mais si pure et gentille !
Le prince est à vos pieds, si fidèle amoureux.
Il vous protégera, vous le rendrez heureux.
Soyez bénie, Kézia, un jour vous serez reine.
KÉZIA
C’est vrai, je suis bénie, et pour une vilaine,
Je suis aimée d’un prince, un homme merveilleux.
Quel sort inespéré ! Quel beau cadeau des cieux !
Mais si Joël n’était qu’un garçon de la terre,
Sans ses habits de prince il aurait su me plaire.
Sa plus grande noblesse est celle de son cœur
Et s’il vivait ses jours écrasé de labeur,
S’il n’avait pour festin qu’une miche rassise,
Je trouverais sa table et ses coupes exquises.
S’il n’avait qu’une planche étroite pour dormir,
J’aurais autant aimé près de lui m’assoupir.
Je ne désire pas la richesse et la gloire
Car les couronnes d’or sont des biens dérisoires.
L’amour ne coûte rien, il ne s’achète pas.
On aime pour la vie, jusqu’au jour du trépas.
Que pourrait-on donner de l’amour en échange ?
LÉMETH
Permettez, mon amie, j’ajuste votre frange.
Longues boucles dorées ! Mais quel feu ! Quel éclat !
Vous le ferez mourir avec ces beaux yeux-là.
Et sur ce front d’argent cette émeraude rare.
Je vous quitte un moment : le prince se prépare.
(Elle sort.)
Scène II
KÉZIA
Notre amour aujourd’hui s’unira devant Dieu,
Ce devrait être un jour béni, un jour joyeux.
Nos deux corps se fondront dans une longue étreinte
Mais au lieu de plaisir, mon cœur s’emplit de crainte.
Pourra-t-on m’expliquer ce curieux sentiment
Ou chancelle mon âme en ses purs fondements ?
Belle-fille du roi ! Voilà l’inquiétude.
Manassé m’a paru d’une étrange attitude.
Toujours distrait, sourire heureux, l’esprit rêveur,
Son corps est au palais, il a sa tête ailleurs ;
Depuis qu’il a croisé cette fille sournoise
On lui croirait les yeux noyés dans la cervoise.
Un vin des plus pervers a grisé sa raison.
On dit que, chaque jour, il va dans sa prison
Visiter la Judith et parler avec elle.
Et qu’en pense Lémeth, cette épouse fidèle ?
La reine, assurément, ne se soucie de rien.
Le roi est guilleret, pour elle tout est bien.
De la magicienne il subit l’influence.
Dieu sait dans son cachot ce qu’elle manigance.
Elle peut transformer par son charme cruel
En un loup affamé ce doux agneau du ciel.
Allons, Kézia ! Allons ! Quelle pièce tu montes !
Tu accuses ton roi ! Pourquoi n’as-tu pas honte ?
Tu nourris des soupçons que tu ne prouves point.
Le grand Dieu sait garder Israël et son oint.
C’est pure jalousie, ma foi, qui te motive
Et tu travailles trop de l’imaginative.
Judith en son cachot sur un ordre du roi,
Tant sorcière qu’elle est ne peut rien contre toi.
J’entends venir. C’est lui, le beau prince que j’aime.
(se regardant dans un miroir)
Ajustons notre voile et notre diadème.
(Entre Judith.)
Scène III
KÉZIA – JUDITH
JUDITH
Je suis, ma chère amie, bien aise de te voir.
KÉZIA
Moi, votre amie ? Je suis dernière à le savoir !
Je n’espérais point tant vous retrouver, madame.
Qui donc vous a tirée de cette geôle infâme ?
JUDITH
J’ai le droit de jouir d’un peu de liberté.
Ne m’as-tu point comptée parmi tes invités ?
KÉZIA
À vieillir en prison vous étiez condamnée.
JUDITH
Libre comme l’oiseau !
KÉZIA
J’en suis fort étonnée.
J’espérais recevoir un autre visiteur.
JUDITH
Ton beau prince Joël, devenu serviteur,
Si fort épris de toi qu’il y perdrait son âme.
C’est vrai qu’il a bon goût lorsqu’il s’agit de femmes.
KÉZIA
Merci. Je n’attends pas de vous de compliments.
J’attends plutôt que l’on m’explique clairement
Du lourd verrou de fer qui vous a libérée ?
JUDITH
L’amour, ma chère amie, l’amour m’a délivrée.
KÉZIA
Dans cette histoire-là que vient faire l’amour ?
JUDITH
Le bon roi Manassé me rendait tous les jours
De courtoises visites à l’insu de la reine.
Il me fit délier les poignets de leurs chaînes,
Ordonna qu’on changeât ma paille contre un lit ;
Tout inquiet de mon teint que l’ombre avait pali,
Voulut que la lumière apporte à mon bien-être,
Il fit dans ma prison percer une fenêtre.
Il vit mon bol d’eau tiède et le ver en mon pain
De ma triste pitance il fit de grands festins.
KÉZIA
Qu’espérait-il de ses visites vespérales ?
JUDITH
Il parlait de la Loi, me faisait la morale,
Me promettant de m’accorder la liberté
Si d’invoquer les morts je jurais d’arrêter ;
Chaque soir me prêchait la divine parole
Et c’étaient des sermons ! De quoi me rendre folle !
KÉZIA
Il ne voyait en toi qu’une pauvre brebis
Égarée dans le noir.
JUDITH
Égarée, c’est tant pis !
Il voulait dans mon cœur faire entrer ses idées
Mais à servir mes dieux je suis bien décidée.
Il ressassait toujours les mêmes arguments,
J’écoutais, patiente, réfutais poliment,
Et plus les jours passaient, je voyais ce saint homme,
Plus j’insufflais en lui mon esprit de Sodome.
Il croyait me gagner à la sainte Torah
Mais, sa dévotion étouffée dans mes bras,
Je l’ai gagné, ce fou, terrassé par mes charmes,
Et noyé dans mes yeux, et versant quelques larmes,
De sa belle captive il tombe prisonnier.
Ne suis-je pas rusée ?
KÉZIA
Je ne puis le nier.
JUDITH
Et voici Manassé amoureux à folie,
De jour en jour baigné dans la mélancolie,
Il soupire après moi, il me baise les mains.
Il peut bien être roi, ce n’est qu’un faible humain.
Avec moi dans la geôle il vient prendre sa place.
C’est moi qui suis vaincue, il implore ma grâce.
Il ne résiste plus, le voici tout à moi.
C’est moi qui suis Judith, la maîtresse du roi.
KÉZIA
Il vous a libérée ?
JUDITH
Eh ! Qu’aurait-il fait d’autre
Après m’avoir si bien prêché, le bel apôtre ?
KÉZIA
Et vous l’aimez ?
JUDITH
Je vous demande bien pardon ;
Je livrerai bientôt son cœur à l’abandon
Après l’avoir vidé de son sang goutte à goutte.
Il l’aura mérité, il en mourra sans doute.
KÉZIA
Quel monstre êtes-vous donc ? Prêtresse du démon !
JUDITH
Vous me jugez, madame. C’est assez de sermons !
Du puissant dieu Moloch je suis l’humble servante
Et son seul nom devrait vous glacer d’épouvante.
KÉZIA
Je ne crains pas vos dieux et je ne vous crains pas.
JUDITH
Vous me craignez. Je puis vous livrer au trépas
Et je hais votre vie.
KÉZIA
(à part)
Tout en elle m’effraie :
Son regard de vipère et ses griffes d’orfraie.
JUDITH
Comme vous êtes belle habillée de satin !
Vous voilà donc princesse ! Quel merveilleux destin !
C’est gentil de m’avoir conviée à vos noces.
KÉZIA
Conviée tu n’es point, bête impure et féroce.
JUDITH
Paroles incongrues et de mauvais aloi !
Nous en reparlerons. Voici le fils du roi.
(Exit Judith. Entre Joël.)
Scène IV
KÉZIA – JOËL
KÉZIA
Joël, je t’attendais. J’aspire à ta présence.
JOËL
Une heure encore, une heure ! Qu’il faut de patience !
Nos deux cœurs s’uniront par un acte scellé,
Nos deux corps s’uniront sous le ciel étoilé,
Ne formant qu’une chair, ne formant qu’une vie.
Sous le regard de Dieu le prophète Ésaïe,
Témoin de notre hymen, doit venir sans tarder ;
Soudés jusqu’à la mort Dieu saura nous garder.
Mais je vois dans tes yeux rouler quelque nuage ;
Quel étrange souci assombrit ton visage ?
Kézia, ne me dis pas qu’une peine en ton cœur
Aujourd’hui, dans ta joie ferait naître des pleurs.
Ma belle, tu m’épouses, n’es-tu pas amoureuse ?
Ton âme est attristée quand la mienne est heureuse.
Aurais-tu des regrets, dis, tu ne veux donc plus…
Quelque chose en ma vie, Kézia, t’aurait déplu ?
KÉZIA
Judith…
JOËL
Eh quoi ? Judith ? Que le diable l’emporte !
La pendarde a bien tort d’en user de la sorte !
Attrister ton esprit un jour si merveilleux !
Oublie-la, je t’en prie, ne pensons qu’à nous deux.
KÉZIA
Judith ! Elle était là, sous mes yeux je l’ai vue.
Pour me narguer, ici, cette fille est venue.
Elle nous hait tous deux, nous hait jusqu’à la mort.
Monstre de magicienne ! Et Dieu sait par quel sort…
JOËL
Qui diantre aurait ouvert le verrou de sa geôle ?
Qu’importe cette folle ! Elle est toujours en tôle.
KÉZIA
Je sens par-devers moi ce basilic ramper,
Enserrant mes deux jambes il me paraît grimper.
JOËL
Se pourrait-il…
KÉZIA
La convoitise de ton père,
Et voici notre roi brisé par l’adultère.
JOËL
Es-tu folle ?
KÉZIA
Elle vient de le dire à l’instant.
Notre bon roi vaincu par ses charmes…
JOËL
Elle ment.
Mon père, ô grand jamais ! n’aurait trahi sa reine.
KÉZIA
Cet enfant du démon, l’âme chargée de haine…
JOËL
Judith en liberté ! Quel chagrin ! Quel souci !
Voici le roi qui vient. Plus un mot de ceci.
(Entrent Manassé et Ésaïe.)
Scène V
KÉZIA – JOËL – MANASSÉ – ÉSAÏE
MANASSÉ
Voici les jeunes gens les plus heureux du monde.
Marions-les, ne perdons pas une seconde.
Les conviés sont là, ils n’attendent que vous.
Et ma bru se languit d’embrasser son époux.
ÉSAÏE
Et notre amie Judith est-elle de la fête ?
MANASSÉ
Allons ! Qui vous a mis pareille idée en tête ?
ÉSAÏE
Manassé, mon ami, nous avons à parler,
Car l’Esprit sur ton compte m’en a gras révélé.
MANASSÉ
Ésaïe, laissons place à la cérémonie.
Avant une semaine elle sera finie.
Nous aurons tout le temps d’en parler librement.
ÉSAÏE
Ton Seigneur a deux mots à dire maintenant,
L’Esprit de prophétie ne souffre nulle trêve.
MANASSÉ
Soit. Mais que, par pitié, ta prophétie soit brève.
(Sortent Kézia et Joël.)
Scène VI
MANASSÉ – ÉSAÏE
ÉSAÏE
Dois-je te rappeler ce que David a fait ?
MANASSÉ
Il dénombra son peuple. Eh bien ! Nul n’est parfait.
Il aimait les conquêtes, il aimait trop la guerre.
Mais quelle pièce joue David en cette affaire ?
ÉSAÏE
C’était durant la guerre que ce roi, justement,
Se traitant comme un prince en ses appartements,
Laissant seuls au combat ses guerriers fidèles,
De son balcon voyait se baigner une belle.
MANASSÉ
Je connais cette histoire. Mon aïeul s’est épris.
Dans son oisiveté le péché le surprit.
Il conçut un enfant de la femme d’Urie
Et du gênant mari fit enlever la vie.
Je ne vois que trop bien où tu veux en venir.
ÉSAÏE
Je sais aussi comment tes projets vont finir.
Dieu dit : tu ne dois pas commettre d’adultère.
Veux-tu de l’Éternel affronter la colère ?
MANASSÉ
Les prophètes toujours aiment exagérer.
Quel grand mot : adultère ! Il faudrait modérer.
J’ai sorti de prison Judith, la prophétesse…
ÉSAÏE
Magicienne, astrologue, enfin, devineresse !
MANASSÉ
Tu ne la portes pas pleinement dans ton cœur.
ÉSAÏE
Elle te plongera dans un profond malheur.
Je t’aurai prévenu.
MANASSÉ
Judith est mon amie.
À quoi bon nous en faire une pure infamie ?
Le saint homme de Dieu voit partout le péché
Mais je l’aime de loin et n’y ai pas touché.
ÉSAÏE
Que sert-il de mentir ? Si tu ne le confesses,
Ce péché te tuera, je t’en fais la promesse.
MANASSÉ
En rien je n’ai péché, je suis bien assez fort
Pour savoir déjouer les pièges de la mort.
Je connais mes faiblesses et connais mes limites.
Et les achoppements, ami, je les évite.
ÉSAÏE
Ta force, Manassé, n’est qu’un roseau brisé.
Qui le prend pour appui est fort mal avisé,
Il percera ta main telle flèche acérée.
Ainsi te percera la femme désirée,
Femme, comme un serpent, enroulée sur ton corps,
Elle t’étouffera et toujours et encor.
Dieu te dit : méfie-toi de la prostituée,
Ses mains sont des liens. Prends garde à la rouée.
MANASSÉ
Prostituée ? Judith ? Par l’enfer ! Par le feu !
Qu’oses-tu déclarer ?
ÉSAÏE
La colère de Dieu
Se dresse et prend du poids face à ton arrogance.
Il exige de toi la pleine repentance,
Que de l’iniquité tu fasses l’abandon
Et par un sacrifice réclame son pardon.
Éloigne-toi du vice, rejette les intrigues.
MANASSÉ
Ésaïe, sur ce coup, vraiment, tu me fatigues.
N’as-tu jamais goûté la colère d’un roi ?
ÉSAÏE
N’oublie pas que ton Dieu est plus puissant que toi.
MANASSÉ
De la Judith encore est chaude la paillasse,
Si tu ne te tais pas je t’accorde sa place.
Tu pourras y songer aux plans de l’Éternel.
Mais sortons. Il est temps de marier Joël.
(Sort Ésaïe, Manassé s’apprête à le suivre, mais il est rejoint par Judith.)
Scène VII
MANASSÉ – JUDITH
MANASSÉ (à part)
Ce moralisateur, à la fin, m’exaspère.
Il devrait s’occuper de ses propres affaires.
JUDITH
Et je te trouve encore avec ce vieux débris
Qui te lave le cœur et te salit l’esprit !
MANASSÉ
Allons ! Ne parlez pas sur ce ton du prophète,
Et pour les cheveux blancs qui garnissent sa tête,
Ayez, ma chère amie, juste un peu de respect !
JUDITH
Je trouve répugnants son air et son aspect.
De sermons, de conseils, d’augures il assomme.
Je ne veux plus te voir parler avec cet homme.
Tu devrais le chasser, je te le dis sans fard.
MANASSÉ
Mon enfant se marie, nous sommes en retard.
JUDITH
Ton Joël attendra. J’ai trois mots à te dire.
Je suis de sombre humeur, n’ai nulle envie de rire.
MANASSÉ
Après le mariage il sera toujours temps
De régler entre nous griefs et différends.
Enfin, que te faut-il pour te rendre agréable ?
JUDITH
Éloigner de ma vue ce bigot détestable.
MANASSÉ
Soit. Je le chasserai. Pourquoi tant le haïr ?
JUDITH
Il a maudit mes dieux. Je ne puis le souffrir.
Je réclame ses os, je réclame sa vie ;
Je veux mort ou vivant cet ignoble Ésaïe.
MANASSÉ
Là ! Comme tu y vas !
JUDITH
Je jure qu’il mourra ;
Mes dieux l’ont décidé, contre eux rien ne pourra.
MANASSÉ
Mais il sert Adonaï.
JUDITH
Et moi des dieux de pierre,
Des dieux que l’on peut voir. Ils sont vrais, j’en suis fière.
Vous, les Juifs, adorez toujours un Dieu caché.
Toujours vous l’invoquez, toujours vous le cherchez.
Nul ne sait d’où il vient, nul ne connaît son âge.
Il montrerait son nez s’il avait du courage.
MANASSÉ
Allons ! Judith !
JUDITH
Un Dieu qu’aucun ne peut toucher,
Un Dieu qui chaque jour accuse de péché,
Un père qui toujours vous refuse la joie !
Dis-moi donc quel bonheur ce Dieu saint vous octroie.
Pour aimer ce Dieu-là il faut être un peu fou.
MANASSÉ
Euh ! Judith ! À la noce on n’attend plus que nous.
JUDITH
D’abord ton Ésaïe qui concentre ma haine,
Je voudrais tout autant te parler de la reine.
MANASSÉ
Quoi ? Faut-il par amour ordonner son trépas ?
JUDITH
Si je te l’ordonnais tu ne le ferais pas
Car ton amour pour moi, hélas ! a ses limites.
Je te veux pour moi seule. Je veux que tu la quittes.
MANASSÉ
Mais Judith…
JUDITH
Je ne veux vivre l’amour à trois.
Faut-il que de ta grue je m’embarrasse, moi ?
Ôte-la de ma vue. Je veux que tu l’exiles
Au milieu du désert, ou très loin, sur une île.
MANASSÉ
Je la répudierai. Tout ce que tu voudras.
JUDITH
Tu dois payer ce prix pour dormir dans mes bras.
Avec cette rivale il faut qu’on en finisse
Mais j’exige de toi un autre sacrifice :
Ce sont mes dieux de bois qu’il te faudra servir ;
Les désirs de Moloch tu devras assouvir.
À l’autel de Baal je veux que tu te voues.
MANASSÉ
C’est fort me demander, Judith, je te l’avoue.
Je ne suis familier de ces cultes pervers.
JUDITH
Tu serviras mes dieux, ou sinon tu me perds.
MANASSÉ
Soit, je les servirai.
JUDITH
Toute la liturgie
Je te ferai connaître ainsi que la magie.
Lire dans les étoiles, interroger les morts,
Prédire le destin dans les tripes d’un porc.
Pour devenir puissant, pour affermir ton règne,
Les arts divinatoires il faut que je t’enseigne,
Ainsi tes ennemis tu sauras déjouer.
Tous les rois de la terre, alors, pour te louer,
Viendront se prosterner, ils te diront : « mon maître »,
Comme un seigneur divin devront te reconnaître.
En plus de mon amour, l’honneur et le pouvoir,
Être adoré des hommes, tu peux tout recevoir.
MANASSÉ
Oh ! Judith ! C’en est fait, à toi je m’abandonne :
Je servirai tes dieux, qu’Adonaï me pardonne.
JUDITH
Te voilà donc à moi, parfaitement soumis
Aux pieds de ta bergère, telle une humble brebis.
Afin de me prouver jusqu’à quel point tu m’aimes,
Es-tu prêt, Manassé, pour l’offrande suprême ?
MANASSÉ
Tout l’or du temple.
JUDITH
Allons ! Que m’importe cet or ?
MANASSÉ
Tous les objets sacrés ! Que lui faut-il encor ?
JUDITH
Ton fils aîné.
MANASSÉ
Joël ? Mais c’est une infamie !
Je ne puis te céder sur ce point, chère amie.
JUDITH
Abandonne, en ce cas, tes rêves de pouvoir
Car un dieu tel que Baal ne se peut décevoir.
MANASSÉ
Judith ! Je t’en supplie ! Pas mon fils ! Pas mon âme !
JUDITH
Tu le sacrifieras, Joël, au sein des flammes.
MANASSÉ
Mon fils ! Mon fils ! Les dieux ne saurais-tu fléchir ?
JUDITH
Je te donne un délai : dix jours, pour réfléchir,
Mais sache que les dieux ordonnent ce supplice ;
Si tu n’obéis pas, crains qu’ils ne te maudissent.
Adieu, mon doux trésor, rejoint les fiancés.
Les faire attendre ainsi pourrait les offenser
Et je ne voudrais point par ma seule présence
Noircir ce mariage et lui plomber l’ambiance.
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