6. Jephthé a-t-il brûlé sa fille ?
Jephthé fit un vœu à l’Éternel, et dit : Si tu livres entre mes mains les fils d’Ammon, quiconque sortira des portes de ma maison au-devant de moi, à mon heureux retour de chez les fils d’Ammon, sera consacré à l’Éternel, et je l’offrirai en holocauste. Jephthé marcha contre les fils d’Ammon, et l’Éternel les livra entre ses mains. Il leur fit éprouver une très grande défaite, depuis Aroër jusque vers Minnith, espace qui renfermait vingt villes, et jusqu’à Abel–Keramim. Et les fils d’Ammon furent humiliés devant les enfants d’Israël. Jephthé retourna dans sa maison à Mitspa. Et voici, sa fille sortit au-devant de lui avec des tambourins et des danses. C’était son unique enfant ; il n’avait point de fils et point d’autre fille. Dès qu’il la vit, il déchira ses vêtements, et dit : « Ah ! Ma fille ! Tu me jettes dans l’abattement, tu es au nombre de ceux qui me troublent ! J’ai fait un vœu à l’Éternel, et je ne puis le révoquer. » Elle lui dit : « Mon père, si tu as fait un vœu à l’Éternel, traite-moi selon ce qui est sorti de ta bouche, maintenant que l’Éternel t’a vengé de tes ennemis, des fils d’Ammon. » Et elle dit à son père : « Que ceci me soit accordé, laisse-moi libre pendant deux mois ! Je m’en irai, je descendrai dans les montagnes, et je pleurerai ma virginité avec mes compagnes. » Il répondit : « Va ! » Et il la laissa libre pour deux mois. Elle s’en alla avec ses compagnes, et elle pleura sa virginité sur les montagnes. Au bout des deux mois, elle revint vers son père, et il accomplit sur elle le vœu qu’il avait fait. Elle n’avait point connu d’homme. Dès lors s’établit en Israël la coutume que tous les ans les filles d’Israël s’en vont célébrer la fille de Jephthé, le Galaadite, quatre jours par année.
Juges 11.30/40
Nous voici confrontés à l’un des textes les plus difficiles de la parole de Dieu : Jephthé fait un vœu à l’Éternel, lui promettant d’offrir en sacrifice la première personne qui se présentera devant lui après sa victoire. Pour son malheur, la personne en question n’est autre que sa propre fille. Jephthé a-t-il réellement brûlé sa fille en holocauste ? Ou bien l’a-t-il simplement consacrée au service divin ?
Que nous options pour l’une ou l’autre de ces possibilités, nous nous heurtons à des contradictions.
Je n’ai pas la prétention de vous donner la solution du problème. Je propose néanmoins d’essayer de comprendre ce qui s’est réellement passé et d’en tirer un enseignement positif pour notre vie chrétienne.
Si nous considérons l’histoire des Patriarches, nous constatons que les exemples ne manquent pas et que Jephthé a certainement voulu suivre celui de Jacob. Si celui-ci a fait un marché avec Dieu, et si le Seigneur a assuré à Jacob sa protection en échange d’une promesse, pourquoi n’agirait-il pas ainsi avec lui, Jephthé ?
Jacob fit un vœu, en disant : « Si Dieu est avec moi et me garde pendant ce voyage que je fais, s’il me donne du pain à manger et des habits pour me vêtir, et si je retourne en paix à la maison de mon père, alors l’Éternel sera mon Dieu ; cette pierre, que j’ai dressée pour monument, sera la maison de Dieu ; et je te donnerai la dîme de tout ce que tu me donneras. »
Genèse 28.20/22
Faire des vœux à l’Éternel en échange de telle contrepartie, protection, exaucement, victoire, était devenu une pratique courante en Israël. Tellement courante qu’il a fallu que Dieu y fixe des règles.
Voici ce que dit la Torah :
Lorsqu’un homme fera un vœu à l’Éternel, ou un serment pour se lier par un engagement, il ne violera point sa parole, il agira selon tout ce qui est sorti de sa bouche.
Nombres 30.2
Salomon, roi et philosophe, ne s’est-il pas souvenu de Jephthé lorsqu’il coucha cette pensée sur le parchemin ?
Prends garde à ton pied, lorsque tu entres dans la maison de Dieu ; approche-toi pour écouter, plutôt que pour offrir le sacrifice des insensés, car ils ne savent pas qu’ils font mal. Ne te presse pas d’ouvrir la bouche, et que ton cœur ne se hâte pas d’exprimer une parole devant Dieu ; car Dieu est au ciel, et toi sur la terre, que tes paroles soient donc peu nombreuses. Car, si les songes naissent de la multitude des occupations, la voix de l’insensé se fait entendre dans la multitude des paroles. Lorsque tu as fait un vœu à Dieu, ne tarde pas à l’accomplir, car il n’aime pas les insensés : accomplis le vœu que tu as fait. Mieux vaut pour toi ne point faire de vœu, que d’en faire un et de ne pas l’accomplir.
Ecclésiaste 5.1/5
Lorsque j’étais jeune dans la vie et jeune dans la foi, les plus anciens me citaient souvent ce passage. C’était leur manière de me dire que mes prières étaient trop longues et que par surcroît, je parlais trop vite et trop fort. Ils avaient d’ailleurs totalement raison mais, force nous est de constater que Salomon avait un autre enseignement à nous donner dans un autre contexte. Il voulait nous faire prendre conscience du sérieux de notre engagement. Était-il lui-même agacé par les « modes évangéliques » de son époque – comme celles de la mienne m’agacent quelquefois – et de l’une d’elles en particulier qui consistait à faire des vœux à tout propos pour avoir l’air plus spirituel que son voisin ?
Sortez de l’école maternelle, leur disait l’Ecclésiaste, ne parlez pas sans réfléchir. On ne se moque pas de Dieu. On ne s’engage pas devant lui à la légère. Si vous voulez prononcer un vœu que vous ne pourrez pas tenir, mieux vaut vous taire.
Au risque de vous décevoir, je ne lis pas que des traités de théologie. Je lis aussi Tintin. Or, un jour où le capitaine Haddock se trouvait dans une situation désespérée, il fit un vœu – au dieu Bacchus, je suppose – :
« Si jamais je sors vivant de ce pétrin, je jure de ne plus boire de whisky pendant un an. Euh… Non… Il ne faut tout de même pas exagérer. Un mois ! Non… Un jour… Enfin… une heure, une demi-heure. Voilà, un quart d’heure, c’est promis. »
Alors pourquoi Jephthé (qui bien entendu n’a pas pu connaître Salomon) a-t-il prononcé ce vœu insensé ?
Sans doute, dans la crainte de l’ennemi, voulut-il intéresser Dieu à tout prix à sa victoire et prononça-t-il spontanément ces paroles funestes.
L’histoire profane raconte qu’Idoménée, roi de Crête se trouva un jour surpris par la tempête alors qu’il naviguait. Il invoqua donc tous les dieux qu’il connaissait : « Si j’échappe au naufrage, leur promis-t-il, je jure de vous offrir en sacrifice la première personne que je rencontrerai en débarquant. » Hélas ! Cette personne fut son propre fils !
Nous comprenons un peu mieux ce qui a poussé Jephthé à ces paroles fatales. Comme nous l’avons lu, la fille du juge sortit de la tente au mauvais moment. C’est donc elle qui devait être sacrifiée.
Est-il possible, à la lumière de la Bible, qu’un serviteur de Dieu ait fait passer sa fille par le feu, comme le fit plus tard l’impie Manassé ? Seules deux réponses sont possibles : oui ou non.
Commençons par étudier l’interprétation « soft » :
Cette explication, la plus optimiste nous paraît d’emblée la plus logique : la jeune fille n’a pas été brûlée sur l’autel : c’est donc une hyperbole. Mais elle a été contrainte de « rentrer au couvent », – l’anachronisme, c’est tout un art, – c’est-à-dire consacrée au culte de l’Éternel.
C’était une possibilité tout à fait conforme à la loi de Dieu et nous en avons un exemple fameux avec l’histoire de Samuel :
Aussi je veux le prêter à l’Éternel ; il sera toute sa vie prêté à l’Éternel. Et ils se prosternèrent là devant l’Éternel.
1 Samuel 1.28 version Segond
À mon tour, je veux le consacrer à l’Éternel : pour toute sa vie, il lui sera consacré. Là-dessus, ils se prosternèrent là devant l’Éternel.
1 Samuel 1.28 version Semeur
Aussitôt la mauvaise nouvelle reçue, la jeune fille se résigne : ce n’est pas si grave que cela. Accorde-moi seulement un délai, afin que j’aille faire, avec mes amies, le deuil de ma virginité.
Et voilà une nouvelle difficulté qui surgit : pourquoi « pleurer ma virginité » ? Si elle doit entrer au sanctuaire, elle renonce évidemment au mariage. La virginité lui reste donc acquise pour la vie. D’autre part, il serait bien difficile, sans forcer le texte hébreu, de traduire d’une autre manière les mots rendus en français par : « Je l’offrirai en holocauste ».
Envisageons maintenant la deuxième explication :
La plus terrible des possibilités : nous devons comprendre le texte biblique dans son sens littéral : la demoiselle a été offerte en sacrifice comme un mouton.
Cela nous semble impossible. Un juif comme Jephthé, craignant Dieu ne peut pas avoir commis une telle abomination. La loi est suffisamment claire :
Tu n’agiras pas ainsi à l’égard de l’Éternel, ton Dieu ; car elles (les nations païennes) servaient leurs dieux en faisant toutes les abominations qui sont odieuses à l’Éternel, et même elles brûlaient au feu leurs fils et leurs filles en l’honneur de leurs dieux.
Deutéronome 12.31
Qu’on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu.
Deutéronome 18.10
L’histoire biblique nous rappelle le cas d’un roi païen qui s’est rendu détestable en offrant son fils au dieu Kémosch :
Le roi de Moab, voyant qu’il avait le dessous dans le combat, prit avec lui sept cents hommes tirant l’épée pour se frayer un passage jusqu’au roi d’Edom ; mais ils ne purent pas. Il prit alors son fils premier-né, qui devait régner à sa place, et il l’offrit en holocauste sur la muraille. Et une grande indignation s’empara d’Israël, qui s’éloigna du roi de Moab et retourna dans son pays.
2 Rois 3.26/27
Comment Jephthé, un pasteur d’Israël, a-t-il pu commettre une faute aussi lourde ? Est-il possible qu’il ait ignoré la parole de Dieu ?
Nous devons, malheureusement, envisager cette possibilité avec le plus grand sérieux. Le parcours spirituel de Jephthé ressemble à celui du Tour des Flandres.
Il faut bien le dire, notre ami, dans sa jeunesse, a mené une vie de patachon. Le début du chapitre 11 nous en donne un aperçu.
Tout avait mal commencé pour lui. Il est né par accident alors que son père Galaad avait fait une escapade avec une aventurière. Galaad avait eu aussi d’autres enfants avec son épouse légitime. Quand les enfants ont grandi, ses demi-frères lui ont dit :
« Fiche le camp, sale bâtard. Tu ne fais pas partie de la famille ».
Alors le vilain petit canard s’est enfui de la maison et a rejoint les racailles de banlieue. Avec sa bande de voyous, il a commencé à semer la terreur dans la région.
Puis survinrent la guerre et l’invasion des ammonites. La famille Galaad se souvint alors de Jephthé qui savait se servir d’une épée et qu’il valait mieux avoir comme allié que comme adversaire. Ils sont donc allés le trouver avec toutes sortes de sourires et de compliments.
Jephthé n’était pas dupe de leur hypocrisie, mais il finit par accepter d’être leur chef et de combattre à leurs côtés. C’est ainsi qu’il devint le neuvième juge d’Israël.
Repeignons ce triste tableau dans le contexte historique du livre des Juges. Le peuple élu traversait une période d’obscurantisme d’une remarquable étendue. La situation pouvait se résumer en ces mots :
En ce temps-là, il n’y avait point de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon.
Juges 17.6 ; 21.25
Voilà où peut conduire l’ignorance de la parole de Dieu associée à une religion sentimentale. Méfions-nous des églises dans lesquelles on fait des expériences spirituelles si merveilleuses que l’on n’a plus besoin d’enseignement biblique.
L’auteur et pasteur Harold Hill raconte qu’un jour un homme s’était introduit dans son église. Dès son arrivée, le Saint-Esprit l’avait averti : « Méfie-toi de ce guignol ! » C’était un séducteur, beau parleur, revêtu des neuf dons de l’Esprit et même davantage. Rien de comparable avec le minable révérend local qui n’était même pas capable de produire un malheureux miracle de temps en temps.
Et ce qui était à craindre s’est produit. Notre superhéros charismatique a ouvert sa propre boutique en emportant avec lui une majeure partie de l’assemblée de notre frère : chrétiens avides d’expériences nouvelles, ils ont été servis. Le diviseur ne tarda pas à s’établir comme maître incontestable et incontesté. Les relations des adeptes avec le monde extérieur étaient totalement rompues. Ils ne sortaient plus de l’appartement qui leur servait de temple. Excédés par les cris et les manifestations bizarres, les voisins ont finalement alerté les autorités. Les policiers qui ont dû intervenir étaient stupéfaits : les membres de la secte étaient nus, marchaient à quatre pattes et aboyaient comme des chiens.
Revenons à ce noir tableau du sacrifice de la jeune fille, une scène ténébreuse dans laquelle apparaît un rayon du soleil de justice.
À cette terrible situation, il existe une issue de secours : le Créateur connaît vraiment bien le cœur des hommes, leurs pensées, leurs folies, et face à une telle folie, il a prévu une solution :
Parle aux enfants d’Israël, et tu leur diras : « Lorsqu’on fera des vœux, s’il s’agit de personnes, elles seront à l’Éternel d’après ton estimation. Si tu as à faire l’estimation d’un homme de vingt à soixante ans, ton estimation sera de cinquante sicles d’argent, selon le sicle du sanctuaire ; si c’est une femme, ton estimation sera de trente sicles. »
Lévitique 27.2/4
Je pense personnellement que Jephthé a littéralement livré sa fille pour être consumée en sacrifice, mais cette mauvaise nouvelle est suivie d’une bonne : la jeune fille avait la possibilité d’être rachetée. Il me semble, hélas ! que, toujours par ignorance de la parole de Dieu, Jephthé n’ait pas saisi cette occasion, sinon le texte l’aurait mentionné. Ce terrible événement nous conduit directement à Jésus, celui qui a payé le plus grand prix pour le rachat du pécheur.
Vous savez que ce n’est pas par des choses périssables, par de l’argent ou de l’or, que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre que vous aviez héritée de vos pères, mais par le sang précieux de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache ; prédestiné avant la fondation du monde, il fut manifesté à la fin des temps, à cause de vous ; par lui, vous croyez en Dieu qui l’a ressuscité des morts et lui a donné la gloire, en sorte que votre foi et votre espérance reposent sur Dieu.
2 Pierre 1.18/21
Les ténèbres sont brusquement changées en lumière. Laissons nos pensées reposer sur cette merveilleuse vérité de l’Évangile :
Et c’est à cela que vous avez été appelés, parce que Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces, lui qui n’a point commis de péché, et dans la bouche duquel il ne s’est point trouvé de fraude ; lui qui, injurié, ne rendait point d’injures, maltraité, ne faisait point de menaces, mais s’en remettait à celui qui juge justement ; lui qui a porté lui-même nos péchés en son corps sur le bois, afin que morts aux péchés nous vivions pour la justice ; lui par les meurtrissures duquel vous avez été guéris. Car vous étiez comme des brebis errantes. Mais maintenant vous êtes retournés vers le berger et le gardien de vos âmes.
1 Pierre 2.21/25
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