Sixième tableau
Septembre 1812. Bataille de Borodino.
Scène Première
SOLDATS RUSSES – BOURMINE à leur tête, VLADIMIR est lieutenant
SOLDATS
Sur les rives
De la Moskova,
Offensive
Des vaillants soldats.
Dans la plaine
De Borodino,
Dans la peine
Luttent les héros.
Pour le Tsar et pour la patrie,
Pour la patrie et pour le Tsar,
Pour notre puissante Russie,
Pour notre liberté chérie,
Pour défendre notre étendard,
Avec joie nous offrons nos vies.
Contre la traîtrise ennemie,
Obscurantisme et barbarie,
Face à la lourde artillerie
Aiguisons glaives et poignards.
Pour la patrie et pour le Tsar,
Pour le Tsar et pour la patrie.
Dans la plaine
De Borodino,
Dans la peine
Luttent les héros.
BOURMINE
Soldats et officiers,
Lieutenants, capitaines,
Sergents et brigadiers
Réunis dans la plaine,
Il vous faut obéir
Et mourir en martyrs,
Oui, vous devrez périr
Pour le Tsar et pour la patrie,
Pour la patrie et pour le Tsar.
SOLDATS
Nous sommes vaillants officiers,
Sous-lieutenants et capitaines,
Sergents, caporaux, brigadiers
Prêts à combattre dans l’arène
Et nous promettons d’obéir
Car c’est un honneur de périr
Pour la patrie et pour le Tsar,
Pour le tsar et pour la patrie.
BOURMINE
Voyez au loin l’armée du Corse,
Gonflant les bras, bombant le torse,
Et leur tricolore drapeau
À l’aigle d’or. Et ce troupeau
Ivre d’orgueil et de vaillance
Veut nous annexer à la France.
Jamais ils n’atteindront Moscou
Car nous leur trancherons le cou,
Au nom de toutes les Russies,
Contre l’infâme tyrannie,
Pour le Tsar et pour la patrie,
Pour la patrie et pour le Tsar.
SOLDATS
Jamais ils n’atteindront Moscou
Car nous leur trancherons le cou
Au nom de toutes les Russies,
Contre l’infâme tyrannie,
Pour le Tsar et pour la patrie,
Pour la patrie et pour le Tsar !
v
BOURMINE
L’ennemi sera bientôt face à vous. Prenez un peu de repos en attendant la bataille. Vous pouvez boire un peu de vodka si cela peut vous donner du courage. Mais sans excès, afin de garder tous vos moyens.
(à Vladimir)
Vous allez combattre sous mes ordres et nous n’avons même pas été présentés.
VLADIMIR
Lieutenant Alexandrov, Vladimir Nikolaïevitch.
BOURMINE
Colonel Ivan Ivanovitch Bourmine.
VLADIMIR
Si jeune et déjà colonel ?
BOURMINE
« Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées,
La valeur n’attend pas le nombre des années. »
Ne sont-ce pas justement des vers français ?
VLADIMIR
En effet, mon colonel ; de Pierre Corneille, si ma mémoire est bonne.
BOURMINE
J’espère que vous n’avez pas peur du sang ni de la mitraille et que vous êtes prêts à mourir pour votre tsar.
VLADIMIR
Mon colonel, non seulement je ne crains pas la mort, mais j’espère bien que le sabre d’un de ces maudits me délivrera de la vie.
BOURMINE
Comment cela ? Vous désirez la mort, à votre âge ?
VLADIMIR
La vie n’a plus rien à m’apporter.
BOURMINE
Chagrin d’amour ?
VLADIMIR
C’est une longue histoire.
BOURMINE
Eh bien ! narrez-la-moi avant que le combat s’engage.
v
VLADIMIR
Je devais l’épouser en secret, dans le noir
Car ses parents bornés ne voulaient rien savoir.
Au moment de partir, la voiture était prête,
Il descendit du ciel une tempête ;
Neige et vent, froidure, obscurité ;
Je me perdis, cruelle adversité.
Comme un damné j’errais la nuit entière
Quand au matin, derrière un cimetière
Mes yeux virent de loin cette église de bois,
Vide, fermée comme il se doit.
Je trouvai le pope à grand-peine.
Nul ne pourrait décrire sa gêne.
Ma fiancée, Macha, ne m’a pas attendu :
Elle s’est mariée avec un inconnu.
Avait-elle à ce point la flamme entre les jambes,
Pour le premier venu qu’ainsi tout son corps flambe ?
Et moi qui l’aimais tant ! Je veux cent fois mourir !
BOURMINE (à part)
Ainsi, c’était donc lui, le fameux Vladimir !
VLADIMIR
Autant je l’adorais, la peste, la coquine,
Aujourd’hui je la hais ; meure la gourgandine !
BOURMINE (à part)
Que je brûle en enfer !
Et… Voici ces maudits mangeurs de camembert !
v
Soldats ! Pour la patrie et pour le tsar. En position de combat.
À mon commandement, chargez !
(La bataille s’engage. Un grognard attaque Bourmine à la baïonnette. Vladimir s’interpose et reçoit à sa place le coup mortel. Bourmine entraîne Vladimir à l’écart.)
v
BOURMINE
Tu as sacrifié ta vie
Pour l’artisan de ton malheur.
Sache-le, ta jeune Marie
T’aimait vraiment de tout son cœur.
Un piège infâme
A détourné son âme.
Ne doute plus de sa fidélité.
Elle est à toi, c’est bien la vérité.
v
VLADIMIR
Comment peux-tu le savoir ?
BOURMINE
Je ne puis t’en dire davantage. Décharge ton cœur de ce fardeau. Jamais Macha ne t’a trahi.
(Vladimir meurt. Les troupes russes se sont retirées. Napoléon, les maréchaux Ney et Davout, et les soldats français investissent la plaine.)
Scène II
NAPOLÉON – NEY – DAVOUT – SOLDATS FRANÇAIS
NAPOLÉON
Laissez-les ensevelir leurs morts.
(Bourmine emporte le cadavre de Vladimir.)
v
NEY
Les corps ennemis s’amoncellent
Et s’enfuit la Russie rebelle.
Avec tant de facilité
Triomphe Votre Majesté !
DAVOUT
À l’empereur toute la gloire,
La France en garde la mémoire.
Que se prosternent tous les rois,
Et tous les princes aux abois !
SOLDATS
Sur les rives
De la Moskova,
Offensive
Des vaillants soldats.
Dans la plaine
De Borodino
Dans la peine
Triomphent les vaillants héros.
Pour l’empereur et pour la France,
Pour la France et pour l’empereur,
Pour son drapeau, pour son honneur,
Pour son courage et sa vaillance
Nous avons livré notre sang,
Ouvriers, soldats, paysans,
Engagés dans la Grande Armée
Pour notre patrie bien-aimée,
Pour la France et pour l’empereur,
Pour l’empereur et pour la France.
Dans la plaine
De Borodino
Dans la peine
Triomphent les vaillants héros.
NAPOLÉON
Soldats, je suis content de vous,
Grognards toujours debout,
Vous êtes ma gloire,
Ma force et ma victoire.
Vainqueurs dans tous les combats.
Je suis content de mes soldats.
Votre victoire est la mienne ;
À nous l’immense plaine.
Nous porterons demain l’ultime coup,
Et nous leur prendrons Moscou.
Quand vous aurez gagné la ville,
Amusez-vous, vivez tranquille,
Vivez d’amour et de vodka,
Enivrez-vous auprès des filles,
Investissez leurs bastilles.
À chacun sa diévouchka !
SOLDATS
Vivent l’amour et la vodka !
Vivent les balalaïkas.
Nous nous occuperons des filles
Et les rendrons bien gentilles.
À chacun sa diévouchka !
NAPOLÉON
Et quand mes combattants
Auront bu tout leur salaire
Nous repartirons pour la guerre.
En avant, grognards, en avant !
À nous la Sibérie !
Avec l’artillerie
Nous franchirons l’Oural,
Et l’Ienisseï, et le Baïkal
La Chine et la Mongolie,
Le Japon, îles jolies.
Nous pillerons leurs trésors,
Nous irons plus loin encor :
L’Asie, l’Afrique
Et l’Amérique.
Je serai le vainqueur,
De la terre l’empereur.
SOLDATS
Pour l’empereur et pour la France,
Pour la France et pour l’empereur,
Pour son drapeau, pour son honneur,
Pour son courage et sa vaillance
Nous avons livré notre sang,
Ouvriers, soldats, paysans,
Engagés dans la Grande Armée
Pour notre patrie bien-aimée,
Pour la France et pour l’empereur,
Pour l’empereur et pour la France.
À nous la Sibérie !
Avec l’artillerie
Nous franchirons l’Oural,
Et l’Ienisseï, et le Baïkal
La Chine et la Mongolie,
Le Japon, îles jolies.
Nous pillerons leurs trésors,
Nous irons plus loin encor :
L’Asie, l’Afrique
Et l’Amérique.
Gloire au vainqueur !
Vive l’empereur !
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