Acte V
Premier tableau
Décor du tableau précédent. La statue de Plogrov est complètement broyée. Il ne reste que des ruines de la ville.
Scène Première
THÉOPHILE – PRISCILLE – Prisonniers
THÉOPHILE
C’est fini !
PRISCILLE
J’ai eu peur, oh ! si peur !
THÉOPHILE
Moi aussi.
PRISCILLE
Qu’adviendrait-il de nous si Dieu n’était ici
Protégeant ses enfants, bouclier invisible ?
THÉOPHILE
Et la grêle est passée, tout redevient paisible.
PRISCILLE
Au-dessus de nos chefs ces rochers de cristal
Éclatent en débris. Quel vacarme infernal !
Vents et foudre, ténèbres, et fracas de tonnerre !
THÉOPHILE
Tout explose en éclats, c’est extraordinaire :
Une bulle diaphane enveloppe nos corps,
Un dôme de savon nous épargne la mort.
PRISCILLE
Eh quoi ? Sommes-nous seuls, existe-t-il une âme,
Un vieillard, un enfant, un jeune homme, une femme,
Sous ces gravats fumants, un seul être vivant ?
Qu’en est-il de Plogrov et de tous ses servants,
Esther et Bafanov ?
THÉOPHILE
Tous morts, sans aucun doute.
PRISCILLE
Babylone détruite et le diable en déroute,
Plus une seule pierre, un seul arbre debout !
C’est la dernière coupe.
THÉOPHILE
Le Dieu fort et jaloux
Brise ses ennemis, écrase l’adversaire,
Forme de nouveaux cieux, une nouvelle terre ;
Pour nous la liberté, les tyrans pour l’enfer.
PRISCILLE
Liberté ! rêve doux ! Qui brisera nos fers ?
Oui, Dieu nous affranchit du diable et de sa haine
Mais, hélas ! nos poignets gardent leurs lourdes chaînes.
Devrons-nous les porter jusqu’au jour glorieux ?
Car il n’est plus de vie sous ces sinistres cieux,
Le souffle a déserté cette ville méchante.
THÉOPHILE
Écoute !
PRISCILLE
Qu’entends-tu ?
THÉOPHILE
Au loin, des voix qui chantent.
PRISCILLE
Je n’entends point.
THÉOPHILE
Tends bien l’oreille, écoute bien.
Comme un chœur si lointain…
PRISCILLE
Ma foi, je n’entends rien.
THÉOPHILE
Vraiment ?
PRISCILLE
Un grondement, un essaim qui bourdonne.
Oui, c’est clair, à présent. Des cantiques résonnent.
(On entend un chant, d’abord lointain, mais qui se rapproche jusqu’au fortissimo. Une première légion des « saints », chrétiens qui ont été enlevés avant les sept années de tribulation apparaissent en chantant, revêtues d’armures dorées. On reconnaît parmi eux Lynda armée d’un arc et Suzanne armée d’une fronde.)
BALLADE SUR LE PSAUME 136
Je veux louer l’Éternel Dieu,
Car c’est lui qui fonda le monde
Et c’est lui qui forma les cieux,
Les fleuves et les mers profondes
Et les étoiles vagabondes,
Le soleil et l’obscurité,
Les vents et les éclairs qui grondent.
À toujours dure sa bonté.
Quand le Pharaon furieux
Poursuivit d’une rage immonde
Le peuple au cœur pur et pieux,
Adonaï sépara les ondes,
Et la mer des Joncs furibonde
Il a les chevaux emporté.
Du Dieu vivant la grâce abonde,
À toujours dure sa bonté.
Dans le désert, terrible lieu
Où toutes formes se confondent
Il battit les rois odieux
Qui devant Israël se frondent.
Lui qui nourrit même l’aronde
Comble Jacob en vérité.
Que tous à son appel répondent.
À toujours dure sa bonté.
Prince, sa gloire nous inonde.
Peuples, louez Sa Majesté.
Louez-le, peuples à la ronde.
À toujours dure sa bonté.
Scène II
THÉOPHILE – PRISCILLE – LYNDA – SUZANNE – Prisonniers, saints
THÉOPHILE
Qui sont ces gens ?
PRISCILLE
Comme ils sont beaux !
THÉOPHILE
D’où viennent-ils ?
PRISCILLE
Et quelles voix sublimes ! Et quels timbres virils !
Je croyais écouter les Chœurs de l’Armée rouge.
LYNDA
Ils sont tous morts, tout est ruiné, plus rien ne bouge.
SUZANNE
Regarde, là, ces pauvres hommes enchaînés
Aux visages sereins, à genoux, prosternés.
Ils subissent le joug sans plaintes ni murmures.
THÉOPHILE
Vois ces deux jeunes femmes en rutilante armure.
Elles viennent vers nous.
PRISCILLE
Fournaise dans leurs yeux !
Amazones du diable !
LYNDA
Guerrières de Dieu.
Pourquoi nous craignez-vous ? Babylone est tombée ;
Rebâtie maintes fois, ne sera relevée.
Tant de gens flagellés, opprimés, molestés !
Des milliers parmi vous furent décapités,
Survivant aux démons, aux fléaux, à la peste,
Vous êtes conviés dans les palais célestes.
Vous serez libérés sans attendre demain.
Je vais briser vos chaînes.
THÉOPHILE
Comment ?
LYNDA
Avec mes mains.
(Suzanne et Lynda brisent, sans outils, les chaînes de Priscille et de Théophile. Les autres saints en font de même avec les autres prisonniers.)
PRISCILLE
Enfin, me direz-vous, madame, qui vous êtes ?
LYNDA
Lynda de Syldurie. Ne fais pas cette tête.
SUZANNE
Et moi, je suis Suzanne, duchesse au temps jadis,
Votre guide, bientôt, jusques au paradis,
Femme de Baffagnon… Bafanov, je m’excuse.
THÉOPHILE
Mesdames, à vous croire, ma raison se refuse.
LYNDA
Mon explication est simple, en vérité :
Après l’enlèvement que vous avez raté,
L’Église disparaît à la face du monde,
L’Antéchrist, sur la terre, étend son règne immonde.
Pour les saints, dans le ciel, d’abord un jugement,
Règlement de facture, un pénible moment
Mais l’épouse à l’époux enfin se trouve unie.
Tandis que Babylone, la perfide, est punie
Les saints sont conviés au festin de l’Agneau.
THÉOPHILE
Jusqu’ici je vous suis.
PRISCILLE
Ce devait être beau !
LYNDA
Mais le Seigneur revient reconquérir son trône :
Il vient dans la tempête, il vient dans les cyclones,
Sur sa blanche cavale un divin cavalier.
Belzébuth est vaincu et le diable est lié.
De la bouche du Christ il jaillit une épée :
La puissante parole, une arme bien trempée.
Demain commencera son règne de mille ans
Mais il faudra lutter dans un combat sanglant
Pour proclamer Jésus roi de toute la terre.
Les saints sont descendus, bien armés pour la guerre,
Car elle est déclarée, sans tarder nous partons.
L’ennemi nous attend, proche d’Harmaguédon.
Nous allons vous armer, sabre, lance, arbalète,
Car bientôt l’on se bat, vous êtes de la fête.
(Priscille et Théophile, ainsi que les saints et les prisonniers libérés s’éloignent dans l’ordre. Lynda et Suzanne ferment la marche. Elles s’arrêtent. Plogrov et Bafanov portant le cadavre d’Esther, sortent des ruines de la statue, sans voir les deux jeunes femmes.)
Scène III
LYNDA – SUZANNE – PLOGROV – BAFANOV
LYNDA
Mais qui sont ces trois-là, fantômes poussiéreux ?
SUZANNE
Survivants harassés, qu’ils ont l’air malheureux !
PLOGROV
Creusons-lui son caveau dans le sable et la cendre.
BAFANOV
Aurais-je cru qu’un jour la mort pouvait la prendre ?
LYNDA
La bête et son prophète !
SUZANNE
Oui, les reconnais-tu
Les tyrans de Babel, humiliés, battus ?
BAFANOV
Tu ne pleures donc pas ? Ta pauvre Esther est morte.
PLOGROV
Son rôle est achevé, que le diable l’emporte !
Elle m’a rassasié de son autorité.
Je ne sais point aimer, mon cœur n’est habité
Que par un seul amour, celui de la richesse,
Du pouvoir, en un mot. Je n’ai point de faiblesse.
LYNDA
Ignoble dictateur, reptile au cœur de fer !
Sous son infâme joug le monde a tant souffert !
(Plogrov et Bafanof recouvrent le corps d’Esther avec des décombres de la statue.)
PLOGROV
Voici, reine perdue, ta riche sépulture.
BAFANOV
Point de compassion pour cette créature ?
Hélas ! ma pauvre Esther, égérie de Plogrov !
« Seule, comme autrefois, et tuée…[1] »
PLOGROV
Lermontov !
BAFANOV
Allons-nous-en d’ici !
LYNDA
Halte !
PLOGROV
Lynda !
BAFANOV
Suzanne !
PLOGROV
Du cosmos infini descendues ? Dieu me damne !
Je vous croyais couchées sur un nuage blanc
Sur une lyre d’or exerçant vos talents.
LYNDA
Nous revenons des cieux, nous sommes une armée.
BAFANOV
Duchesse aux yeux d’azur que j’ai toujours aimée…
PLOGROV
Que vous êtes jolies dans votre armure d’or ?
BAFANOV
Un soir, t’en souviens-tu ? – Réveille-moi, je dors –
Suzanne et ta Lynda surgissaient dans nos rêves.
Lynda décoche un trait, le ventre elle te crève,
L’autre, armée de sa fronde, me traite sans égard.
Leur Bon Dieu nous punit avec nos cauchemars.
LYNDA
À toi l’honneur, Suzanne, fais tournoyer ta fronde,
Que ta pierre en son front creuse une plaie profonde.
BAFANOV
Suzanne, chère amie, mon amour, mon trésor,
N’es-tu pas mon épouse ? Arrête !
(La pierre de Suzanne atteint le front de Bafanov, il s’écroule.)
SUZANNE
Il est bien mort.
LYNDA
Assommé seulement, car son crâne est solide.
(Lynda arme son arc.)
PLOGROV
Je t’ai toujours aimée, ne tire pas, perfide !
(La flèche atteint Plogrov.)
Ton pauvre Dimitri massacré par tes soins !
LYNDA
Si je t’avais tué tu ne parlerais point.
PLOGROV
J’oubliais ce détail : ma gloire est immortelle,
Mais je me vengerai de ce trait, péronnelle !
LYNDA
N’est pas encor venue l’heure du châtiment,
Car tu dois rencontrer ton Dieu dans un moment.
Relève-toi, forban, méprisable canaille !
Nous nous retrouverons sur le champ de bataille.
Deuxième tableau
Jérusalem.
Scène IV
PLOGROV
Une flèche en plein cœur et Nimrod est vivant,
Nimrod est immortel, n’en doutez plus, fervents.
Nimrod est éternel, Nimrod est invincible !
L’ange du Dieu déchu l’avait choisi pour cible.
Elle plonge en son cœur mille traits acérés,
En vain bande son arc. Le dard qu’elle a tiré
Entre et sort aussitôt de ma fière poitrine.
Croyait-elle aisément me tuer, la coquine ?
Laissant sur le pavé Nimrod abasourdi,
Elle se croit vengée, mais le roi la maudit.
Qui pourra désormais m’opposer des menaces ?
Dieu me provoquerait lui-même ? Quelle audace !
Que je tire à mon tour une flèche au ciel bleu,
Elle retombera rougie du sang de Dieu.
Non, point de jugement, non, point de représailles.
La guerre est déclarée, debout pour la bataille.
(Entre Bafanov.)
Scène V
PLOGROV – BAFANOV
BAFANOV
Le Christ est apparu au mont des Oliviers.
Venu tout droit des cieux, le roi crucifié
Nous revient pour juger les princes de la terre,
Enveloppé de gloire, aveuglante lumière,
Revêtu d’une armure et d’un écu doré,
Le Fils est descendu, serviteur abhorré !
Face à Jérusalem, cette verte colline,
Face à la ville sainte, ses parvis et ses ruines
Recevant sur son roc les pieds du Fils de Dieu,
La montagne se fend juste par le milieu.
Vers le septentrion une moitié recule,
L’autre vers le midi…
PLOGROV
J’en suis tout incrédule.
BAFANOV
Une large vallée s’est creusée.
PLOGROV
L’as-tu vu ?
BAFANOV
Oui. Je les voyais fuir, les peuples éperdus,
Les hommes qui criaient : « Tombez sur nous, montagnes ! »
C’est un signe de Dieu, le prophète en témoigne,
Ainsi dit Zacharie, le calame inspiré.
Il vient avec ses saints de la mort libérés
Il reprend son royaume et vient juger le monde.
L’orage vient à nous et les nuages grondent.
Voici venir enfin le jour de l’Éternel :
Terreur sur cette terre et gloire dans le ciel.
Venue du mont du Temple une large rivière
Inonde la vallée. C’est un jour de colère.
(Les martyrs, ayant Ivanov* à leur tête, apparaissent.)
Scène VI
PLOGROV – BAFANOV – IVANOV – martyrs
PLOGROV
Quelle est donc cette armée qui s’avance à grand bruit ?
Voyez ! Le heaume altier, l’armure qui reluit.
Sont-ils nos ennemis qui veulent en découdre
Et de nos chers canons faire gronder la poudre ?
Sont-ils de nos alliés, sont-ils de nos amis,
Au roi de Babylone consacrés et soumis ?
BAFANOV
Vois-tu comme ils sont beaux ? Leurs visages rayonnent.
Ne vois-tu resplendir l’or pur de leurs couronnes ?
Ces gens-là sont de Christ et c’est facile à voir.
PLOGROV
Qu’ils viennent m’attaquer, les balles vont pleuvoir.
BAFANOV
Les voici qui s’approchent, menaces, il me semble.
PLOGROV
Est-ce ainsi qu’au grand nom de Nimrod la chair tremble ?
Qui êtes-vous, soldats qui défiez Plogrov ?
IVANOV
Vous me connaissez, moi, le docteur Ivanov.
PLOGROV
Ivanov, médecin des Altesses Royales ?
D’où sort votre personne savante et médicale ?
IVANOV
Du Hadès.
PLOGROV
Quoi ?
IVANOV
Séjour mystérieux des morts.
PLOGROV
Vous osez persifler et vous moquer encor ?
IVANOV
Je ne persifle point. J’ai vu tant de prodiges,
J’ai vu des guérisons, des miracles, vous dis-je,
Des âmes transformées. Je l’ai vu de mes yeux,
Agissant dans ma vie, ce Sauveur merveilleux.
J’ai connu le Messie, le Maître des victoires,
Mais je n’ai jamais pris la décision de croire.
Lorsque j’ai vu la reine et son prince enlevés,
Tous mes amis croyants vers le ciel élevés,
J’ai compris que j’avais manqué la délivrance ;
À genoux j’ai pleuré d’une vraie repentance
Et du ciel j’entendis le Roi crucifié
Me dire : « Ne crains point, je t’ai purifié. »
J’ai pris la décision tardive de le suivre
Et marcher sur ses pas tant que je pourrais vivre.
Marchant comme un martyr, errant comme un témoin,
Serviteur du Dieu fort et de Jésus, son oint.
Refusant d’adorer la statue de la bête
Je fus exécuté, on me trancha la tête.
PLOGROV
Vraiment, je m’en souviens : remarquable tableau,
Ces chrétiens insolents montant sur l’échafaud,
Comme des troubadours face à leur auditoire,
Au lieu de sangloter chantaient « À Toi la gloire ! »
IVANOV
C’est Dieu qui nous donna la force de souffrir,
La bravoure éprouvée, le bonheur de mourir.
BAFANOV
Les âmes des témoins sont bien ressuscitées.
IVANOV
Votre règne est fini, vos heures sont comptées
Mais il faut vous quitter, je suis pressé, pardon !
Nous avons rendez-vous tout près d’Harmaguédon.
PLOGROV
Nous aussi.
IVANOV
Je le sais.
BAFANOV
(à part)
Pour la bataille ultime
Jésus-Christ nous prendra, malheureuses victimes.
(Les saints et les martyrs s’éloignent.)
Scène VII
PLOGROV – BAFANOV
PLOGROV
Avec eux s’est éteint le soleil, il fait noir.
Le jour a disparu, c’est notre dernier soir ;
Il faut aller livrer la dernière bataille.
Tous les canons sont prêts, les obus, la mitraille.
Voici l’heure de Dieu. Quelle nuit ! Quel effroi !
Sept ans sont accomplis.
BAFANOV
Pourquoi fait-il si froid ?
PLOGROV
Au-dessus de nos chefs le ciel se change en glace.
BAFANOV
Fuyons vers Méguido, maudite est cette place.
PLOGROV
Obscurité, froidure, la vengeance du Fils.
Zacharie l’a prédit : quatorze, verset six.
Puisque le roi percé revient sur cette terre
Accompagné des saints pour nous faire la guerre,
Puisqu’il nous y attend rendons-nous sans retard
Corriger de nos mains ce Fils de Dieu vantard.
Je suis encor le maître et l’empereur du monde.
J’abattrai l’Éloïm juste avec une fronde.
Troisième tableau
La plaine d’Harmaguédon, après la bataille
Scène VIII
LYNDA – JULIEN – SIGUR – FÉLIXÉRIE
LYNDA
Quel combat ! Quel carnage ! Que de sang ! Que de morts !
Que de chair déchirée !
JULIEN
C’est fini, mon trésor.
FÉLIXÉRIE
J’en suis épouvantée, brave Félixérie !
Que de fer ! Que de feu !
SIGUR
C’est fini, ma chérie.
LYNDA
Tant de deuils ici-bas, de chagrins, tant de pleurs !
SIGUR
L’Antéchrist est vaincu, c’est la fin des douleurs.
JULIEN
C’est le moment de Dieu, redoutable vengeance.
FÉLIXÉRIE
Voici venu pour nous le temps des récompenses.
LYNDA
Voyez autour de nous ce pays dévasté,
Ensemencé de corps, membres déchiquetés.
FÉLIXÉRIE
Ce bas monde a vécu sept années de misère.
SIGUR
J’ai vu tomber Satan précipité sur terre.
Son règne est achevé car voici le Seigneur.
JULIEN
Le soleil de justice, après tant de malheur
Se lève sur les peuples. Ô viens brillante aurore,
Viens, Fils du Dieu vivant que les nations t’adorent.
(Entre Salomon.)
Scène IX
LYNDA – JULIEN – SIGUR – FÉLIXÉRIE – SALOMON
SALOMON
Le peuple d’Abraham, Israël est ici,
Le Messie vénéré sur le temple est assis.
Le peuple méprisé, le peuple qu’on oppresse
Célèbre son sauveur, il éclate en liesse.
Voici le Fils de Dieu, nous l’avons rencontré.
Les enfants de Jacob étaient tous égarés
Quand Yéschoua parut, apportant la parole,
Annonçant le royaume avec des paraboles,
Nous avons refusé son message d’amour,
À sa divine voix nos cœurs se sont faits sourds,
Rejetant par des cris de fureur et de haine
La pleine vérité qui brise enfin nos chaînes.
Qu’avons-nous fait de lui ? Quel crime de nos mains !
Nous livrâmes le Christ au marteau des Romains,
Qui sans nulle pitié sur le bois le clouèrent
Et, dans son agonie plaignant notre misère,
Sur la croix d’infamie pardonnait au brigand,
Aux spectateurs impies, aux moqueurs arrogants.
Pendant qu’il se mourait, se déchirait le voile
Et dans le ciel de plomb s’éteignent les étoiles.
Après tant de souffrance et de siècles passés
Israël reconnaît celui qu’il a percé.
Oh ! Venez et montons à la sainte colline,
Vers la maison de Dieu, la montagne divine,
Vers le Dieu de Jacob, le mont de l’Éternel,
Courrons sur ses sentiers, en marche vers le ciel.
La loi vient de Sion, nous enseignant ses voies.
Le Messie nous conduit, suivons-le dans la joie.
(Entrent Priscille et Théophile.)
Scène X
LYNDA – JULIEN – SIGUR – FÉLIXÉRIE – SALOMON – PRISCILLE –THÉOPHILE
PRISCILLE
Dans la plaine assagie nos amis réunis !
THÉOPHILE
C’est la fin des combats. Les malins sont punis.
PRISCILLE
Ne vois-tu pas, dis-moi, ce merveilleux athlète,
Front couronné d’orgueil, gracieuse silhouette,
Les yeux remplis d’ardeur, le regard éclatant,
Vêtu de pourpre et d’or comme un roi ?
THÉOPHILE
C’est Satan.
Et l’homme, près de lui, qui le couvre de chaînes,
C’est un ange du ciel. Où crois-tu qu’il le mène ?
PRISCILLE
Dans le profond abîme, car il en a la clef,
Séjour sans espérance et cachot bien scellé.
JULIEN
Captif il restera pour un long millénaire.
SIGUR
Mille années de repos et de paix sur la terre.
FÉLIXÉRIE
Il sera délivré, au bout de ces mille ans,
Avec Gog et Magog, méchants rois turbulents,
En ultime révolte il séduira le monde,
Mais il sera vaincu, des démons prince immonde,
Avec tous les impies, face au trône de Dieu,
Soudain précipité dans le soufre et le feu.
PRISCILLE
Je vois venir celui qu’on appelle la bête
Et son âme damnée qu’on nomme faux prophète.
(Entre Ariel, tenant liés Plogrov et Bafanov.)
Scène XI
LYNDA – JULIEN – SIGUR – FÉLIXÉRIE – SALOMON – PRISCILLE –THÉOPHILE – ARIEL – PLOGROV – BAFANOV
ARIEL
Ils ne voulaient partir sans vous dire au revoir.
LYNDA
Plogrov et Bafanov condamnés sans espoir.
ARIEL
N’ont-ils point mérité les éternelles peines ?
PLOGROV
Dans le feu de l’enfer je hurlerai ma haine,
Oui, je maudirai Dieu durant l’éternité,
Cracherai sur ce Père et sur sa Trinité.
Nous aurons tout le temps dans ce lieu de souffrance
Pour méditer nos plans mortels.
ARIEL
Allez ! Avance !
(Ariel emmène Plogrov et Bafanov)
Scène XII
LYNDA – JULIEN – SIGUR – FÉLIXÉRIE – SALOMON – PRISCILLE –THÉOPHILE
LYNDA
Ainsi s’est apaisée la colère de Dieu.
JULIEN
Quelle désolation se répand à nos yeux !
Le monde dévasté par l’humaine folie,
Qu’est-elle devenue la planète jolie ?
FÉLIXÉRIE
Dieu nous avait offert un cadeau merveilleux
Que nous avons brisé, enfants capricieux.
SIGUR
Mais aujourd’hui commence un nouveau millénaire,
Il nous reste mille ans pour réparer la terre.
PRISCILLE
L’Éternel aurait pu la réparer sans nous
Mais il nous y appelle. Oh ! Servons à genoux !
THÉOPHILE
Ce rameau d’Isaï naîtra de la racine,
Revêtu de l’Esprit, de la force divine.
Il ne jugera point selon ce qu’il paraît.
Sous son règne le loup quittera sa forêt,
Avec l’agneau vivant parmi les pâturages,
Se nourrira de foin, de verdure en cet âge.
L’aspic ne tuera plus de ses crocs, et l’enfant
Paisible dormira dans le nid du serpent.
Le bœuf avec le lion couchera dans l’étable,
Avec le doux chevreau le tigre redoutable.
SALOMON
Ephraïm et Juda, tout comme les goïm
Ont retrouvé la paix en face d’Éloïm.
THÉOPHILE
Le Christ est revenu couronné de sa gloire.
Il règne à tout jamais. C’est la fin de l’histoire.
[1] Один, как прежде, и убит...
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